|
Articles
Langue arabe en Algérie et à Mayotte |
Mayotte 2006.doc |
Texte inédit de deux communications faites par G.Grandguillaume au colloque sur le bilinguisme à Mayotte
|
1. Plurilinguisme et enseignement en Algérie : entre langues écrites (arabe, français) et langues parlées (arabes, berbères).
La question des langues telle qu’elle s’est posée en Algérie, par les enjeux et les problèmes qu’elle a suscités, peut permettre de penser les questions soulevées à ce colloque à propos du bilinguisme à Mayotte. Dans cette première partie je présente la situation algérienne, pour en tirer quelques conclusions dans une seconde partie.
Situation des langues en Algérie
L’Algérie, depuis sa conquête en 1830, a été administrée dans la langue française, et ceci jusqu’à son indépendance en 1962. Son système d’enseignement en langue arabe (à base notamment d’écoles coraniques) a été fortement minimisé durant la colonisation. Toutefois les langues parlées (arabes et berbères) se sont maintenues durant toute cette période. De ce fait en 1962, lors de l’accession à l’indépendance, l’ Algérie est un pays multilingue comportant quatre langues :
1) La langue arabe dite classique ou coranique, essentiellement écrite, mais peu diffusée du fait de sa mise à l'écart par le régime de colonisation. Elle est considérée principalement comme la langue de l'islam, valeur refuge durant la colonisation.
2) La langue française est la langue dominante , dans laquelle ont été formés les fonctionnaires, et qui est majoritairement enseignée dans les écoles. A l'indépendance le taux de scolarisation est faible, mais son extension va entraîner une diffusion massive de la langue française. Elle est aussi la langue de l'économie.
3) La langue arabe parlée, dite arabe dialectal, est la langue maternelle de la majorité de la population. Langue de la vie quotidienne, son utilisation à l'écrit est condamnée par les Etats arabes (Congrès de Tripoli, 1975) comme attentatoire à l'unité arabe – elle est différente selon les régions -, et de fait aucun Etat arabe ne le fait. L'Algérie a adopté ce point de vue.
4) La langue berbère est la langue maternelle d'une minorité importante de la population, principalement utilisée en Kabylie, dans les Aurès et dans le Mzab. Elle est essentiellement orale et elle ne peut être fusionnée ni avec l'arabe classique ni avec l'arabe parlé.
En 1962, il y a donc deux langues écrites en Algérie, le français, en position majoritaire, et l'arabe, relégué dans des usages religieux. C'est cette langue arabe, modernisée et adaptée à des usages profanes, qui sera la langue de l'arabisation : elle est dans ce cas nommée arabe moderne ou arabe standard et son aire d'extension est l'ensemble du monde arabe.
Mise en œuvre d’une réforme linguistique
A partir de 1962, le gouvernement algérien va mettre progressivement en œuvre une réforme linguistique tendant à réintroduire la langue arabe moderne dans l’enseignement, l’administration et l’environnement public. Cette réforme répond à une triple motivation :
L’arabe représente la face culturelle de l'indépendance : la langue française étant la langue du colonisateur et ayant été imposée, il paraît naturel de la remplacer par la langue arabe. Celle-ci devra donc la remplacer dans tous ses usages, dans l'enseignement, l'administration et l'environnement : tel sera l'objectif de la décision d'arabisation.
L’arabe est la langue de l'islam : l'islam a été la valeur refuge durant la colonisation, quand l'Algérie n'avait pas conservé d'identité propre. De ce fait il existe chez les dirigeants et dans la population une volonté de restaurer à la fois l'arabe et l'islam.
L’arabe est la langue de la nation arabe : ayant été longuement francisée, l'Algérie veut souligner son appartenance au monde arabe dont elle a reçu l'appui durant la guerre de libération.
Monolinguisme ou bilinguisme ?
La question de l'arabisation a profondément divisé la société politique algérienne dès 1962 et jusqu'à ce jour. Les décisions relatives à l'arabisation seront souvent des décisions politiques prises face à un adversaire, sans souci des conditions préalables nécessaires : élaboration d'une pédagogie, formation de maîtres susceptibles d'enseigner la langue arabe et les matières enseignées en arabe, fabrication des manuels, conséquences de l'arabisation sur l'enseignement supérieur et sur le marché du travail. Il y a deux tendances : une tendance pour l'arabisation, et une tendance pour le bilinguisme (car il n'est pas possible de s'afficher contre l'arabisation, sauf à risquer d'être taxé de "parti de la France" -hizb Fransa-) :
La tendance pour l'arabisation (en ce sens monolingue), s'appuyant sur l'islam ou sur le nationalisme arabe, veut donner une marque arabe et musulmane à l'Algérie, inculquer une identité non-occidentale. Si certains le font par sectarisme, d'autres sont persuadés que le rééquilibrage est nécessaire.
La tendance pour le bilinguisme ne refuse pas l'arabe, mais reste attachée au maintien de la langue française, dans la mesure où non seulement elle permet de gérer le pays actuel, mais elle donne accès à la modernisation du pays. Ceux qui y adhèrent se méfient du sous-développement des pays arabes et craignent l'influence théocratique qui leur semble les caractériser. Leur position est celle d'un statu-quo linguistique, et d'une arabisation prudente. En 1962, ce courant est majoritaire, mais il perdra des positions politiques jusqu'en 1992, avant de reprendre l'avantage en 1999 à l'époque de la présidence Bouteflika. Les berbérophones dont la langue est menacée seront des adversaires déterminés de l'arabisation.
L'histoire de l'arabisation est celle des heurts de ces deux tendances. Ce n’est pas le lieu de la résumer ici, mais elle a fait l'objet de publications antérieures .
A la différence de la Tunisie, qui opta dès le début pour le bilinguisme, comme l’explique Foued Laroussi dans son intervention, l’Algérie ne fit pas de choix explicite entre monolinguisme et bilinguisme, les tensions socio-politiques internes ne le permettant pas. Toutefois, la politique suivie fut le bilinguisme jusqu’à la mort du président Boumediène en 1978. Le monolinguisme l’emporta avec l’affaiblissement de l’Etat et la pression islamiste sous la présidence de Chadli Bendjedid. Un rééquilibrage fut tenté à partir de 1992, et aboutit avec le président Bouteflika à partir de 1999 à un choix implicite – mais toujours non officiel – du bilinguisme.
L’arabisation dans l’enseignement primaire et secondaire
Jusqu'aux années 70 dans le primaire et 80 dans le secondaire, les établissements scolaires ont juxtaposé des sections bilingues et des sections arabisées, ayant chacune leurs enseignants, et leurs méthodes. Des enseignants européens ont longtemps côtoyé des enseignants des pays arabes. De cette confrontation de méthode et de programme a découlé une préférence des parents pour les sections bilingues et une certaine dévalorisation de l'arabisation. Ceci d'autant plus que le secteur économique, et administratif en grande partie, reposait toujours sur la langue française. Les enseignants algériens, devenus peu à peu majoritaires, se divisaient en arabophones et francophones, reproduisant le schème d'une opposition entre un système moderne et un système archaïque. Le secteur bilingue s'est restreint du fait des décisions d'arabisation prises par les autorités, et par l'interruption de la formation de professeurs de français à la fin des années 80. De ce fait dans certaines régions, les enseignements de français prévus au programme n'étaient plus assurés. Dans les années 80, l'enseignement était devenu en grande partie monolingue.
Ce monolinguisme a entraîné un conservatisme pédagogique : avec l’arabe a été introduite par contagion la prédominance de la mémorisation, sur le modèle des écoles coraniques traditionnelles, dont le but était de faire apprendre le Coran par cœur. C’est ce que remarque un universitaire algérien : « Le plus grave, c'est la conception même du dispositif pédagogique mis en place par les responsables et concepteurs. Il est fondé sur la mémorisation-restitution des connaissances. Les élèves algériens passent leur temps à apprendre par cœur. Cette aptitude est la caractéristique fondamentale de la méthode traditionnelle, laquelle méthode s'accommode très bien du maintien de l'ordre établi aux dépens de la pensée rationnelle .»
La question des langues maternelles
Si les tenants de l’arabisation s’opposent à la langue française, ils combattent non moins vigoureusement les langues maternelles, arabes et surtout berbères. Leur emploi est proscrit dans les media et l’expression publique, mais aussi à l’école. Le but de la pédagogie est de substituer la langue arabe classique aux langues parlées. La tache de l'école est de corriger la langue de l'enfant "fautive, déviante et déficiente", "d'expurger, corriger les expressions que les enfants ont acquis avant leur arrivée à l'école…", dit le Guide du maître. "Notre travail sera double, Nous corrigeons par le biais de cet enfant la langue de sa famille…Cela ne sera possible que lorsqu'on abolira l'écart entre la langue écrite grammaticale et la langue orale anarchique…Nous nous exprimerons par écrit, comme nous parlerons oralement, et nous parlerons oralement comme nous écrirons" . Fondée sur une pédagogie de la faute, elle vise à éliminer les langues parlées au profit d'une langue artefact qui n'est langue d'usage quotidien dans aucun pays arabe. Si ces instructions assurent une survie aux parlers arabes, sous réserve de leur "normalisation", elles visent à l'extinction des parlers berbères, antérieurs à la présence arabe, et qui ont survécu depuis des siècles. Cette attitude, avec d'autres mesures anti-kabyles, déclenchera l'hostilité de ces populations à la politique d'arabisation et sera à l'origine d'émeutes en Kabylie dès 1980, et du "printemps berbère" qui aboutira à la reconnaissance du tamazight (berbère) comme langue nationale en 2001.
Cette pédagogie de la culpabilisation de l'enfant sur sa langue maternelle a été analysée et dénoncée par plusieurs intellectuels algériens. Malika Boudalia-Greffou a révélé que son modèle était emprunté à un schéma destiné à l'enseignement de débiles légers et de déficients intellectuels auxquels on devait adresser un enseignement réducteur, pauvre en nuances et répétitif. Khaoula Taleb-Ibrahimi reprend à son compte ces critiques : "La manifestation la plus évidente de cette rupture sociolinguistique consiste en la négation têtue et entêtée du vécu et des acquis langagiers de l'enfant dans sa période pré-scolaire, négation qui apparaît très clairement dans l'exposé des objectifs de l'Ecole algérienne en matière de langage et dont M.Boudalia-Greffou a montré les dangers, mais surtout les incidences effarantes et inquiétantes dans l'appauvrissement des capacités linguistiques des élèves en tant qu'apprenants – au cours de leur cursus scolaire – mais aussi en tant que locuteurs-acteurs sociaux ". Elle qualifie le résultat obtenu d'"analphabétisme bilingue".
Dans la réforme récente l’importance des langues maternelles dans la pédagogie a été reconnue, de même qu’un statut officiel a été accordé à la langue berbère.
Quelques conclusions sur l’arabisation en Algérie
De cette expérience algérienne les réformateurs ont retenu les nécessités suivantes :
1. Il faut autonomiser la politique linguistique
Réflexion et décision sur cette question doivent être sorties de la pression des idéologies, des luttes de clans, des intérêts corporatistes ou religieux.
2. Il faut distinguer langue arabe et islam.
Bien que ce lien soit ancré dans la conscience populaire, la mise en place d'une langue moderne la suppose affranchie de la notion de langue sacrée qu'ignore la linguistique.
3. Il faut réfléchir sur la place respective des langues.
Pour l'arabe et le français, l'arabisation ne s'est pas étendue au monde du travail et de l'emploi, lequel reste majoritairement dominé par le français. L'impact de la mondialisation sur la société algérienne impose de prendre en compte cette situation.
La place des langues maternelles à l'école doit être définie. A la suite d'une longue lutte, le berbère a été reconnu. Le linguiste Mohamed Benrabah défend vigoureusement la cause de l'arabe algérien. Outre leur rôle dans la pédagogie, ces deux langues méritent d’être reconnues en tant qu'expressions de l’identité algérienne.
4. Il faut concevoir une pédagogie unifiée et algérienne.
Entre la référence arabe et la référence occidentale, une pédagogie dynamique de l'éveil doit être commune aux divers enseignements en langue arabe et en langues étrangères. Face à la diversité des milieux sociologiques et géographiques, une pédagogie d'ouverture et de tolérance doit permettre d'entretenir une conscience algérienne respectueuse des diversités et capable d'en assumer la richesse.
2. Les leçons à tirer de l’expérience algérienne
La politique linguistique suivie par l’Algérie en ses aspects positifs et négatifs apporte des éléments de réflexion sur plusieurs points : la langue arabe, les langues maternelles, le multilinguisme.
La langue arabe
Cette politique a permis de restituer à l’Algérie une langue dont elle avait été privée par la colonisation, une langue importante dans la reconstitution de l’image de soi, de l’identité algérienne, même si celle-ci ne s’y réduit pas. Cette langue arabe, autrefois perçue dans sa seule référence coranique, est devenue, selon l’expression du président Boumédiène, « la langue du béton et de l’acier », une langue utilisée dans l’administration et les média, une langue ouverte à la modernité au-delà des frontières, comme le montre l’impact de la chaîne de télévision Al-Djezira et de la presse internationale de langue arabe.
A ce sujet je dois ici exprimer ma surprise que la question des écoles coraniques n’ait pas été évoquée dans ce colloque consacré au plurilinguisme. Il m’a été rapporté que les enfants d’âge scolaire y passent plusieurs heures par jour, même pendant les vacances. Certes l’influence de la famille est importante, mais celle de ces écoles l’est tout autant et il ne me paraît guère justifié de la mettre entre parenthèses dans une réflexion sur l’école. Malgré leurs défauts (mémorisation sans compréhension, violence, autoritarisme) elles existent et les enfants y apprennent une écriture. Au risque d’une intrusion illégitime dans vos préoccupations, je dirai que, si j’étais vice-recteur …, j’établirais une ou deux heures par semaine, dans les écoles primaires et même maternelles, d’un enseignement laïc de l’arabe et ceci pour deux raisons : la première est que cette mesure représenterait une reconnaissance pratique et symbolique de la culture représentée par cette langue et affirmerait que l’école de la République n’est pas construite sur une dichotomie opposant monde occidental d’un côté, monde arabo-musulman-mahorais de l’autre. L’autre raison est que la mise en valeur d’une écriture que l’enfant a peiné pour apprendre l’épanouirait et lui montrerait que cette langue, qu’il apprend pour le Coran, est aussi une langue de culture susceptible de l’ouvrir au monde moderne. On peut m’objecter que l’enseignement de l’arabe est proposé au collège : à mon avis cela intervient trop tard, à un moment où parents et enfants sont préoccupés de l’utilité sociale des langues, qui peut les conduire à ce moment à préférer à l’arabe une langue plus « utile » comme l’anglais ou l’espagnol.
Les langues maternelles
L’expérience a révélé par défaut combien il est important que les langues maternelles, expression de l’identité, soient reconnues par le pouvoir en place. Sur le plan pédagogique, leur utilisation à l’école est capitale pour que l’enfant comprenne ce qu’on lui dit et qu’il ne ressente pas l’école comme un univers étranger à sa culture. Mais une fois ces langues reconnues, il faut savoir en définir la place. Ce problème se pose pour les langues parlées en Algérie : faut-il envisager une scolarisation totale en langue maternelle, ou l’utiliser pour mieux entrer dans l’acquisition d’une langue plus répandue, donnant accès à l’emploi, aux qualifications et aux études supérieures ? Ce colloque a réfléchi sur la place à accorder aux langues maternelles dans les écoles de Mayotte. Une formule entendue ici, selon laquelle ces langues « ne devraient pas servir de marchepied à la langue royale » me semble être idéaliste, voire démagogique : car le but doit bien rester la réussite de l’enfant à l’école. Toutefois, dans le cadre global de l’action culturelle à Mayotte, le passage à l’écrit de la langue maternelle peut permettre la conservation et la transmission de la culture locale et de ses valeurs.
Le multilinguisme
L’expérience algérienne, comme d’autres, montre l’importance du multilinguisme comme moyen de communication et comme refus de l’enfermement dans son univers propre. Ce colloque a montré que l’entrée dans une nouvelle langue est toujours un enrichissement. L’important est que la place de chaque langue soit bien définie et que la question des langues soit tenue à l’écart des conflits ethniques, régionaux ou politiques. Seuls les points de vue de la pédagogie et de la culture doivent être pris en compte dans les réflexions et les choix à opérer dans ce domaine, et c’est ce qui me semble prédominer dans ce colloque que je remercie les organisateurs d’avoir mis en place.
ANNEXE : LES ECOLES CORANIQUES A MAYOTTE
C’est après le colloque que j’ai eu connaissance du « Document de travail concernant la rénovation de l’enseignement coranique à Mayotte », rédigé par Mr Soibahaddine IBRAHIM, actuellement sénateur de Mayotte, et à cette époque chargé de mission aux affaires culturelles de l’inspection académique de Mayotte. Le document n’est pas daté.
L’auteur distingue trois types d’école coranique :
- les écoles coraniques de villages : chacun des 70 villages en comporterait en moyenne 6.
- les écoles coraniques du secteur public : 17, soit une par commune
- les écoles coraniques rénovées (madrassat)
C’est sur la seconde catégorie que je veux m’attarder.
Selon l’auteur, «l’enseignement coranique à l’école publique a été réintroduit en 1977 sous l’impulsion de J.Fasquel, directeur de l’enseignement…Cet enseignement est dispensé chaque après-midi après la classe par 17 maîtres recrutés sur concours…L’encadrement et le suivi est assuré par un conseiller pédagogique non spécialisé… »
Selon les renseignements que j’ai pu obtenir, le terme d’ « école coranique » pour les qualifier est inapproprié, car ces maîtres dispensent un enseignement de langue arabe et non de religion. Ils ont fait un stage au GRETA après leur recrutement pour améliorer leur niveau de français et être bilingues. Pour des raisons que j’ignore, ils ont dépendu à l’origine du vice-rectorat, puis de la préfecture, et enfin du Conseil général. Leur traitement est actuellement assuré par le Conseil général, mais ils ne relèvent d’aucune tutelle pédagogique. Ils dispensent leurs cours dans les écoles primaires dont les locaux sont inutilisés l’après-midi.
Ainsi, à la lecture de ce document, j’ai eu la surprise de constater que ce que je préconisais « innocemment » avait été mis en place depuis plus de vingt ans, puis progressivement marginalisé.
Durant mon séjour j’ai pu rendre visite à deux de ces enseignants d’arabe, l’un à l’école de Tsararano (commune de Dembéni) et l’autre à l’école de Bandrélé-Village et ai pu m’entretenir avec eux en français et en arabe. Le nombre d’élèves venant à leur cours était, à leur regret, peu élevé. Pour diverses raisons, dont la concurrence, ils sont en butte à l’hostilité des écoles coraniques traditionnelles (Celles-ci fonctionnent pendant les vacances, mais refusent les élèves de ces maîtres). J’ai pu constater que les textes arabes inscrits au tableau étaient bien de la grammaire arabe et du vocabulaire, et non des versets du Coran. Le vœu de ces deux maîtres, isolés de leurs collègues de l’école qu’ils ne rencontrent pas, est d’être intégrés dans les classes du matin, à raison d’une heure ou deux par classe. L’une de leurs suggestions les plus intéressantes était de dispenser leurs cours d’arabe en CM1 et CM2, afin que leur enseignement d’arabe puisse se prolonger éventuellement par celui qui est dispensé au collège. Enfin ils souhaiteraient bénéficier d’un soutien pédagogique en tutelle et en matériel.
Par ailleurs j’ai eu l’occasion de visiter une école dite localement « madras » (troisième type du rapport) à Tsountzou 1 et de m’entretenir longuement en arabe avec son responsable. J’ai pu constater que tant du point de vue des programmes (enseignement de langue arabe et du Coran) que des locaux (salles avec tables), ces écoles représentent un niveau supérieur à l’école coranique traditionnelle. Mon interlocuteur m’a dit que certains de ses élèves poursuivent leurs études d’arabe au collège et qu’ils y arrivent avec un bon niveau. Ces écoles n’ont aucun lien avec le Conseil général et n’en reçoivent aucune subvention, leurs ressources provenant des contributions payées par les élèves, ce qui explique leur carence en matériel pédagogique. Sans préjuger des options à prendre, leur existence mériterait de retenir l’attention des services culturels du Conseil général.
|
Gilbert Grandguillaume, Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, 1983, et "Les enjeux de la question des langues en Algérie", in Les langues de la Méditerranée, R.Bistolfi dir. Paris, L'Harmattan, 2003, p.141-165. Autres publications sur mon site internet : http://www.ggrandguillaume.fr
Farid Benramdane, « Ecole contre nation : la preuve par neuf », Le Matin du 7/02/2002
Guide du maître du premier palier de l'école fondamentale, Année 1980-1981, Alger, Institut Pédagogique National, p.5-sq, cité par Malika Boudalia-Greffou, L'école algérienne de Ibn Badis à Pavlov, Alger, Laphomic, 1989, p.35-sq.
Malika Boudalia-Greffou, op.cit. et "Pédagogie maternelle et didactique des langues étrangères", in revue NAQD, Culture et système éducatif, N°5, Alger, 1993, p.42-45..
"A propos de L'école algérienne de Ibn Badis à Pavlov, de M.Boudalia-Greffou, réflexions sur les pratiques didactiques de l'enseignement de la langue arabe dans le système éducatif algérien", in NAQD, , op.cit., p.65-73.
NAQD,op.cit., p.66.
Mohamed Benrabah, Langue et pouvoir en Algérie. Histoire d'un traumatisme linguistique. Paris, Séguier, 1999.
|
|