Gilbert GHrandguillaume

Anthropologue arabisant,
spécialiste du Maghreb et du Monde arabe.

Nedroma, l'évolution d'une médina Arabisation et politique linguistique au maghreb Sanaa Hors les murs
Bibliographie Compte-rendus Entretiens Préfaces en arabe   باللغة العربية

Articles
PERE SUBVERTI, LANGAGE INTERDIT
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Le langage pris dans les mots Peuples méditerranéens 33 oct.-déc. 1985

Les observateurs des sociétés actuelles soulignent fréquemment le vide créé dans ces sociétés par ce qu'ils nomment déception idéologique, élimination du mystère, exclusion du mythe ou déchéance du symbolique. Un article consacré à l'intégrisme chrétien[1] voyait dans le rejet du latin pour le culte une tentative de rationaliser la religion, aboutissant à la vider de sa signification. Dans l'article remarquable qu'il consacre à l'intégrisme musulman, Maxime Rodinson[2] aborde également ce problème du désenchantement idéologique et de ses conséquences. C'est cette question de la fracture du symbolique que je voudrais envisager ici, en essayant de préciser le lieu où cette carence e se fait sentir. Le problème est celui de la loi et de sa transmission : la loi conçue comme incarnation d'un ordre par rapport auquel il est possible de se repérer, de se définir une identité. Une convergence s'était produite entre le Lévi-Strauss des Structures élémentaires de la parenté et le Lacan des Ecrits[3]3 pour désigner deux lieux essentiels de l'émergence de la loi : la fonction du père (par les mécanismes de l'Oedipe et de la prohibition de l'inceste) et l'entrée dans la langue (identifiée à l'univers du symbolique). Davantage développée par la suite dans la pensée de Jacques Lacan, cette perspective marque l'instauration de la loi dans la rupture d'une relation fusionnelle duelle par l'intervention d'un troisième terme entre la mère et l'enfant - le père -, et entre l'individu et son imaginaire - le nom -. C'est sur la base de cette orientation que la réflexion présentée ici s'élabore. Elle est une interrogation sur les facteurs culturels qui, au Maghreb, influent sur la reconnaissance de la loi et sur sa transmission. D'où les deux points qu'elle aborde - une interrogation sur le père, dont la place a été marquée diffé­remment dans le passé et aujourd'hui ; - une interrogation sur la langue, dont le système complexe a été ébranlé par de profonds changements (contact de la langue française, politique d'arabisation notamment). Père et langue concernent la transmission. Que se passe-t-il quand l'essentiel d'une culture n'est plus transmis, mais emprunté ou, pourquoi pas, réinventé ? Peut-il arriver que le père ou la langue n'aient plus rien à transmettre ? Les questions posées ici ne concernent pas que le Maghreb, mais elles s'y posent dans un contexte spécifique. Elles font partie d'une recherche naissante, où les questions posées sont plus nombreuses que les réponses apportées. Elles se veulent une invitation à réfléchir sur cet ordre symbolique qui sous-tend la personnalité d'un individu ou la cohésion d'une société. LE PERE SUBVERTI Afin de cerner le contexte culturel dans lequel se construisent les destins individuels, je voudrais marquer ici les principales mutations qui ont affecté la fonction paternelle. Pour mieux appréhender les choses, et tout en sachant que, dans le réel, elles ne sont pas aussi tranchées, je distinguerai ces deux repères que constituent d'une part le statut traditionnel tel qu'il est porté par la culture, et d'autre part les change­ments apportés à ce statut par l'appel d'un modèle moderne ou occidental. C'est en effet dans la trajectoire définie par ces deux repères que, selon des rythmes et des problématiques qui leur sont propres, individus et groupes ajustent leurs comportements et définissent leurs normes spécifiques. 1. Le père en culture traditionnelle Le terme de culture traditionnelle soulève généralement l'indignation des chercheurs et me place dans un grand embarras : le terme en effet est à la fois inacceptable et inévitable. Inacceptable parce que, fruit d'une perception européenne ou orientaliste, il semble gommer le dyna­misme interne et la richesse multiforme des cultures qu'il désigne à partir d'un seul critère de " non-moderne" . Inévitable parce que, dans l'analyse des crises où s'exprime le changement, l'influence occidentale apparaît - peut-être à tort, mais cela, l'avenir le dira - comme un facteur prédominant. Toutefois, dans cette recherche qui s'ébauche, il est bien nécessaire de marquer quelques jalons pour en délimiter le champ. De ce statut traditionnel, j'envisagerai un cadre : la séparation des sexes, une structure : la patrilinéarité, un mode d'exercice : l'autorité, et un mécanisme reproducteur : la transmission culturelle. La séparation des sexes La distinction des sexes est constitutive de toute famille, mais toutes les observations faites sur le Maghreb vont au-delà et désignent la sépa­ration des sexes comme opposition structurante de la société. Cette séparation des sexes qui proscrit, selon des degrés divers, toute mixité dans la vie publique, a été souvent décrite et analysée par des auteurs tels que Germaine Tillion[4] ou Abdelwahab Bouhdiba [5]. Une analyse solide en a été faite par Pierre Bourdieu[6] à propos de la maison kabyle, montrant comment tout l'univers social est construit sur cette opposition masculin-féminin, qui est aussi dehors-dedans, publie-privé. Si la figure du père est bien inscrite dans cette opposition, il faut ajouter que cette opposition est un rapport d'inégalité, dans lequel la prééminence de l'homme est marquée. Une longue pratique, peut-être antérieure à l'islam, trouve dans le Coran sa justification par les deux notions de qawâma et de daraja : • Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles » (Coran, IV, 34) ; « Les hommes ont cependant une prééminence sur elles » (II, 228 [7]). Une thèse récente de Ghassan Acha[8], sur le thème « Les hommes ont sur elles une prééminence », met en valeur les multiples aspects de l'affirmation de cette supériorité masculine. Toute une construc­tion du droit islamique s'est édifiée sur cette base : par exemple les dispositions du témoignage ou de l'héritage, qui font équivaloir un homme à deux femmes. La thèse citée montre par ailleurs qu'il ne s'agit pas là uniquement de vieux refrains, mais que la même conception est reprise par beaucoup de contemporains, même modernistes. L'insistance mise sur ce point par la tradition islamique conduit à penser qu'il s'agit là d'un aspect essentiel de la culture. A la rigueur, on pourrait se demander pourquoi cette donnée de la supériorité des hommes, assez courante dans cette société comme dans beaucoup d'au­tres, a besoin de recevoir l'appui de la religion et, il faut le dire, un appui insistant, comme s'il existait une fragilité sur ce point. Quoi qu'il en soit, ce soutien apporté par l'islam à la virilité constitue certainement un obstacle de taille à la laïcisation progressive de la société envisagée par certains. A cette opposition masculin-féminin est rattachée la question de l'honneur[9] : l'honneur est l'affaire des hommes, mais son point faible est du côté des femmes, sur le domaine de la sexualité. L'honneur des hommes s'affirme dans le contrôle des femmes. Il s'agit là encore d'une structure bien établie. L'honneur de l'homme est principalement dans la reconnaissance de sa virilité, de sa place dans le groupe des hommes. L'honneur de la femme est aussi référé à la place qu'elle occupe dans le milieu des femmes, mais celle-ci est principalement fonction de l'honneur acquis par l'homme à l'extérieur. Dans la mesure où l'honneur s'identifie à la virilité, on peut dire que la femme reconnaît la virilité de son époux pour autant que celle-ci lui est reconnue par le groupe masculin. La tradition culturelle montre même que cet honneur de l'homme est une exigence féminine, conditionne la reconnaissance qu'elle peut faire de sa virilité, hors de laquelle elle ne ressent que honte et ridicule tel serait le cas de l'homme qui se serait montré lâche au combat ou peureux face à ses adversaires. Il y a bien un intérêt solidaire de l'homme et de la femme à la reconnaissance de l'honneur de l'homme. Dans ce domaine, ce n'est pas l'affirmation de la virilité, mais son effacement qui est susceptible de faire problème. Mais on constate que ce qui est en question, ce n'est pas l'estime de l'un pour l'autre, mais l'intervention de toute une collectivité qui constitue le support de leur relation. Dans cette tradition culturelle, un homme peut se sentir valorisé comme homme non par la reconnaissance d'une femme, mais par la considération de ses pairs. La filiation patrilinéaire La place du père se définit par la filiation patrilinéaire en ce sens que l'appartenance à la famille suit la ligne masculine. Il s'agit là natu­rellement de la structure affirmée : la parenté vécue s'étend bien au-delà, en dehors même parfois des relations de parenté comme l'a souligné H. Geertz[10]. Ce que je veux souligner ici, c'est que la descendance est définie par rapport au père et non par rapport à la mère. Or si la filiation par rapport à la mère est toujours une donnée biolo­gique incontestable, la paternité est par nature sujette à caution ou plutôt objet de croyance, elle n'est en tout cas pas du même ordre. [Un jeune homme de Kabylie conversait en aparté avec sa mère. Son vieux père qui l'observait de loin l'appelle, visiblement agacé de ce tête-à-tête : "Que fais-tu avec elle ? De quoi parlez-­vous? Méfie-toi des femmes!..." Et poursuivant sur le ton de la plaisanterie : "Regarde... on dit que je suis ton père... mais finalement, il n'y a qu'elle qui le sait..."] Le doute inhérent à la paternité a été souvent remarqué. Freud parlant de la prédilection des obsédés pour l'incertitude et le doute, inclut la paternité parmi ces sujets incertains et insère cette note dans l'un de ses textes . Lichtenberg : "L'astronome sait à peu près avec la même certitude si la lune est habitée et qui est son père, mais il sait avec une toute autre certitude qui est sa mère." Ce fut un grand progrès de la civilisation lorsque l'humanité se décida à adopter, à côté du témoignage des sens, celui de la conclusion logique, et à passer du matriarcat au patriarcat[11]." Dans son ouvrage Une place pour le père, le docteur Aldo Naouri tire les conséquences de cet écart entre le fait et la croyance, affirmant à plusieurs reprises que, si la mère est un acquis, le père est un dû. Si la mère est « naturelle », le père est sans cesse à instaurer, et ceci ne peut se faire que par la reconnaissance de la mère : le père n'est tel qu'en tant que reconnu par la mère " Introduit auprès de son enfant par la désignation fondamen­tale qu'en fait la mère, le père ne peut être qu'une fonction de parole. Parole qui se développe, toute condensée autour du nom qu'il transmet et qu'il a, sa vie durant, à soutenir[12]. " Quelle peut être la portée de ces remarques par rapport au contexte traditionnel maghrébin ? L'insistance portée sur la filiation patrilinéaire, la défiance vis-à-vis de la femme, valorisée uniquement en son rôle de mère, ne paraissent pas faciliter l'établissement de cette relation entre homme et femme que supposerait cette reconnaissance de la place du père. Cette relation d'amour entre homme et femme semble plutôt exclue par le contexte culturel. En ce qui concerne la relation entre jeune homme et jeune fille avant le mariage, elle fait l'objet d'un interdit de la culture traditionnelle. La pratique comme la littérature en témoignent largement. Dans les ouvrages qu'il a consacrés au plus célèbre couple d'amoureux de la littérature arabe, Majnûn et Layla[13], André Miquel montre bien l'enchaînement des malheurs dans lesquels sont entraînés ces deux amoureux à la suite de la déclaration d'amour publique du garçon (tachbîb). Soit. Mais l'amour entre époux n'est guère mieux vu de la culture. La mère de l'époux, attachée à son fils, supporte difficilement que celui-ci s'éprenne de sa femme. Il n'est pas jusqu'au milieu masculin qui ne ridiculise l'homme qui aurait la faiblesse d'être amoureux de sa femme. La séduction de la femme (fitna) comme l'exprime bien Fatima Mernissi[14] est ce qui peut saper la virilité de l'homme et porter atteinte à son honneur. Dans un ouvrage consacré à la fonction paternelle au Maghreb, Hossain Bendahman note " La mère maghrébine ne valorise pas beaucoup son mari dans son discours au fils. Elle ironise plutôt à son sujet. Par contre elle parle de façon quasi-mystique de son propre père, dont elle a gardé le nom d'ailleurs, qu'elle décrit avec une vénération mêlée de crainte[15]. " La filiation patrilinéaire peut-elle être perçue comme une fermeture sur soi du monde masculin ? Dans un ouvrage consacré au problème de la paternité chez Freud, Monique Schneider[16] note chez celui-ci une tendance à considérer une = filiation par les pères » qui ferait l'économie du féminin, une filiation uniquement masculine où le rapport père-fils est analogue à la relation maître-disciple, où le fils est une réduplication du père, un « revenant n. L'auteur renvoie à des réflexions analogues faites par Nicole Loraux à propos de la Grèce antique et du fondement de l'imaginaire politique athénien : « Conter l'origine sans passer par les femmes"[17]. Dans cette « conversion de la mère au père n ou du « sensible à l'intelligible n, on voit se substituer au « changement de la vie n, lié à l'univers maternel, la « pérennité ossifiée de l'ordre sacré n associée au monde paternel. L'incertitude liée à la paternité est ainsi colmatée par une rigidité qui ne peut se soutenir que de l'appui de la culture et de la communauté des hommes. Mais dès lors une autre question se pose : ce système qui met à l'écart le maternel et le « changement de la vie „ pour lui substituer un ordre intelligible - comme l'indique également la note de Freud citée plus haut -, pourquoi est-il marqué d'une telle rigidité ? Serait-il incertain de lui-même ? Ces mères, si manifestement présentes dans la naissance, et si soigneusement absentes des arbres généalo­giques, manifesteraient-elles malgré tout un « excès de présence n dont il importerait de se protéger ? Pour le dire en clair : ce dispositif trahirait-il l'existence chez les hommes d'une peur de la femme ? Des auteurs n'hésitent pas à franchir le pas, en faisant intervenir le personnage de la « mère toute-puissante n, soit comme réalité, soit comme phantasme. C'est la conclusion de Hossain Bendahman " Ainsi contrairement à l'apparence qu'offre au visiteur étran­ger la structure sociale maghrébine : structure patriarcale, société de mâles, etc., cette apparence est trompeuse car le personnage fondamental, central..., est sans conteste aucun la Mère ...[18] " Une indication semblable est donnée par Nadia Mohia, dans une thèse consacrée à la thérapeutique traditionnelle dans la société kabyle : évo­quant le cas d'un homme perturbé dans sa virilité - il n'a pu consommer son mariage -, elle écrit « Pour le groupe, Saïd n'est pas atteint de n'importe quelle maladie. La sienne a ceci de particulier qu'elle remet en causa une des valeurs fondatrices de sa culture, la virilité, et, en der­nière analyse, qu'elle révèle au groupe lui-même ce qu'il refoule par ailleurs : la toute-puissance de la mère qui porte, en fait, la loi phallique. Le « tu n'es pas un homme » met à jour l'échec d'une des défenses culturelles essentielles du groupe contre l'angoisse de castration[19]. » L'affirmation d'un pouvoir des femmes est très présente dans la tradi­tion culturelle arabe. Rattachée sans doute à la séduction, elle trouve son expression la plus forte dans le terme arabe de kayd (ruse), comme en témoigne l'apostrophe adressée aux femmes dans le Coran (XII, 28) " Votre ruse est énorme " (inna kayda-kunna 'azîmun). Ce thème du pouvoir des femmes par la ruse tient une grande place dans la littérature populaire, principalement dans les contes. Je me contenterai d'évoquer celui qu'a publié récemment Fatima Mernissi sous le titre arabe Kayd ar-rijâl kayd an-nisa' (« Ruse des hommes, ruse des femmes ») et sous le titre français Qui l'emporte, de l'homme ou de la femme[20] ? Ce conte montre une femme belle et rusée l'emporter constam­ment sur le fils du roi. Pour Fatima Mernissi, ce conte « prouve que la contestation féminine de la suprématie masculine existe dans notre culture », c'est-à-dire que « elle ne vient pas de Paris n. L'expression donnée comme titre apparaît plutôt comme l'exacte inversion dans la littérature populaire du fameux verset coranique précédemment cité : Ar-rijâl qawwâmûn 'ala-n-nisa' (« Les hommes ont autorité sur les fem­mes ») de Coran IV, 34 : le pouvoir manifeste des hommes ne serait dès lors que l'expression inversée du pouvoir latent des femmes. Ceci porte à réfléchir sur les conditions dans lesquelles se développe au Maghreb la « lutte pour la libération de la femme ». Dans la mesure où elle se présente comme l'affirmation d'un pouvoir de la femme qui devrait égaler celui de l'homme, elle ne peut que soulever des résistances énormes, puisqu'elle s'y grefferait sur une situation où c'est le pouvoir des femmes qui est ressenti inconsciemment par les hommes comme exorbitant. La libération des femmes passerait alors plutôt par la levée du phantasme de leur toute-puissance. La signification profonde de la filiation patrilinéaire apparaît encore dans la ligne de la transmission du nom. Hossain Bendahman cite un proverbe marocain : « Ici, sur terre, nous portons le Nom de notre père, et dans l'au-delà, nous portons le Nom de notre mère[21] ». Il l'interprète comme une invitation à suspendre le désir actuel de la mère contre la certitude d'accéder dans l'au-delà à « l'union totale avec le corps de la mère retrouvé ». Dans un autre contexte (après le passage cité ci-dessus), il reprend le même proverbe, mais lui donne une autre interprétation, qui me semble mieux convenir : « Ici (dans ce monde, le manifeste) nous portons le Nom de notre père et là-bas (l'au-delà, le latent, l'inconscient) nous portons le Nom de notre mère[22]. » L'autorité paternelle La place de l'autorité du père est pour les Maghrébins de l'ordre de l'évidence. Ainsi la décrit Néfissa Zerdoumi « En principe, dans la famille où la tradition se perpétue, l'autorité du père demeure absolue et inconditionnelle. Unité sociale de base, cette famille est fondée sur la subordination complète de tous les membres au chef. Le père, c'est l'autorité divine entre les mains d'un être humain. L'obéissance qui lui est due trouve ainsi sa source dans la soumission à Dieu. Imprégnée par la tradition, la famille met le père sur un piédestal il est tout, sa personnalité domine[23]. » Plutôt que de multiplier les citations pour décrire le vécu de cette autorité, je préfère reconstruire, à partir d'images laissées par de multiples lectures, une scène de retour du père à la maison [C'est la fin d'une chaude journée d'été. Dans le patio de la maison où n'arrive qu'une lumière diffuse règne une animation intense. Des femmes rient et parlent à haute voix. Des enfants courent et jouent bruyamment. A un moment, une fillette arrive en courant de l'impasse et d'un cri annonce l'arrivée du père. Aussitôt un grand silence, s'établit dans la maison, les groupes se défont. Le père entre en silence et va s'asseoir sur sa natte. Une fillette se précipite pour lui apporter ses babouches, une femme lui présente en silence un plateau avec une théière et un verre. Personne n'ose lui adresser la parole. Lui-même prononcera quelques mots brefs pour qu'on lui serve son repas, qu'il prendra seul et en silence, sous les regards furtifs de la maisonnée.] Le respect de l'autorité du père se traduit par une sorte de crainte révérencielle. Je cite encore Néfissa Zerdoumi " Crainte est le mot clé. Le concept respect-crainte est une des constantes de l'éducation traditionnelle populaire. Afin de sauvegarder la dignité dans laquelle il se drape, le père se crée la réputation de l'homme redouté : il détient la respectabilité ('andou waqar). Pour lui la déférence filiale s'exprime par le respect des distances et l'absence marquée de familiarité[24]." Un autre trait de cette autorité paternelle est la rareté de la parole entre lui et les autres membres de la famille, femme et enfants. « Le res­pect envers le père se manifeste avant tout par le silence lorsqu'il intervient », écrit Néfissa Zerdoumi[25]. La raison en est sans doute que la parole ne circule qu'entre égaux, qu'elle signifie l'échange : ainsi une parole de la femme ou des enfants qui s ferait front e au père ne peut être ressentie que comme un défi à son autorité. Mais cet interdit jeté par la coutume sur la parole a sans doute également le sens d'une mise à distance corporelle et vise à pallier l'effet de séduction (fitna) propre à la voix, séduction par laquelle le pouvoir de l'homme peut être pris en défaut. Ceci se comprend par le fait que la notion de fitna signifie à la fois la séduction, la tentation et le désordre et correspond au fait de « jeter du trouble, du désordre dans les esprits involontairement et uniquement par l'effet que produit la beauté sur un grand nombre d'adora­teurs rivaux (se dit d'une beauté) [26] •. Analysant la position de l'islam par rapport à la femme, Fatima Mernissi écrit que « celle-ci est attaquée en tant qu'incarnation et symbole du désordre. Elle est fitna, la polarisation de l'incontrôlable, la représentation vivante des dangers de la sexualité et de son potentiel destructeur démesuré [27]. » Autre trait à mentionner à propos de l'autorité paternelle : la violence ; violence du silence, violence verbale et même violence physique (le verset du Coran précédemment cité - IV,34 - autorisant l'usage de celle-ci contre les épouses rebelles). Sous ses différentes formes, cette violence est destinée à prévenir toute atteinte à cette autorité, hors de laquelle le père ne peut apparaître en public que comme un homme ridicule et sans hon­neur. Au-delà de ces considérations, on peut penser qu'il y a un lien entre l'absence de parole et la manifestation de la violence. Celle-ci serait une « communication malgré tout », une sorte de langage contenu qui ne peut s'exprimer autrement. La violence en ce contexte signifierait dès lors la détresse du violent mis dans l'incapacité - par lui-même ou par sa culture - de prendre le risque de la communication par la parole, et la mise en cause de soi que celle-ci implique nécessairement. Je vou­drais ajouter ici une remarque sous forme de question : diverses indica­tions - qui seraient naturellement à vérifier - semblent porter à penser que l'exercice de cette violence paternelle s'est amplifiée avec la désin­tégration de la famille élargie et son isolement en familles nucléaires vivant en zone urbaine. La question est dès lors de savoir si cette violence ne serait pas caractéristique d'un entre-deux culturel, entre un monde traditionnel où une parole « sociale » est suffisamment entendue pour que les rôles soient assurés, et un monde moderne, où une parole individuelle du père arrive à s'exprimer, l'entre-deux étant la situation où aucune de ces deux paroles ne peut être dite et entendue. La violence représente dès lors la forme minimale de l'inculcation de la loi et de sa transmission ce que semble suggérer l'un des sujets interviewés par H. Bendahman, parlant de son père : « S'il n'était pas dur, je ne serais pas arrivé jusqu'ici (à la faculté en France)... et j'aurais été quelque peu délinquant [28]. » La transmission culturelle Le système construit autour du père par la culture maghrébine traditionnelle est d'une remarquable cohérence. Il fait l'objet d'une forte inculcation symbolique. Le système pratiqué à l'intérieur de la famille - autorité de l'homme, évitement des sexes - correspond à celui qui est pratiqué à l'extérieur : pouvoir des anciens, séparation des mondes masculin et féminin. Les fondements en sont les principes d'opposition dehors-dedans, public-privé, masculin-féminin, le tout étant pensé comme l'affirmation d'une force externe masculine devant, pour protéger son honneur, s'imposer à un élément interne féminin. Ce qui peut aussi être pensé comme une force externe devant se protéger d'une menace interne. Non moins remarquable est, dans la société traditionnelle, le consensus établi autour de la transmission de cette culture. Que les hommes trans­mettent un code qui apparemment les avantage n'a rien d'étonnant. Mais il est plus surprenant de constater que ce sont les femmes qui sont les agents privilégiés de cette transmission : pas précisément les filles, mais les mères. C'est la mère qui la première enseigne à son fils à être un homme, à remplacer son père, à dominer ses sœurs. H. Bendahman insiste sur ce fait à partir des déclarations de ses interviewés[29], et mentionne un avis analogue de Néfissa Zerdoumi, le témoignage de l'écrivain Mouloud Feraoun, montrant la mère participer aux côtés du garçon à la tyrannisation des filles par celui-ci. Cette participation des femmes à la reproduction de ce que certains désignent comme leur statut d'opprimées mérite de retenir l'attention. Serait-ce que, dans cette culture, chacun, homme ou femme, trouve son compte ? Et dans ce cas, où et comment ? Enfin il apparaît bien que cette transmission n'est possible que dans le milieu social et avec son support. Le père est confirmé dans sa virilité par le milieu des hommes qu'il se doit de fréquenter et auprès desquels il se valorise. La femme reçoit un soutien équivalent du milieu féminin. L'ensemble du système bénéficie de l'appui apporté par l'islam à la virilité. Ceci suggère à quel point peut être mise en cause cette position paternelle quand le milieu vient à se désagréger ou l'idéologie islamique à s'affaiblir: l'homme se retrouve dès lors face à la femme qui ne le reconnaît plus : Chkûn hadha ? Chkûn bgha ikûn huwa ? (« Qui est-ce, celui-là ? Pour qui se prend-il pour s'arroger de tels droits[30] ? 2. Les changements qui influent sur le statut du père Ce sont précisément les deux supports du statut du père que l'évolu­tion récente tend à mettre en cause : la structuration collective du milieu social et l'exclusivité normative de l'islam. Il s'agit là de données bien connues que je me contenterai de mentionner pour en mesurer les conséquences. L'autorité de l'Etat substituée à celle du père Dans la période récente, la mise en place de l'Etat, principalement après l'indépendance, a eu pour résultat de réduire de multiples façons la place prééminente occupée par le père. Certains aspects en sont plus déterminants - La déstructuration du groupe " père collectif ". A la fonction pater­nelle exercée presque collectivement par le milieu des pères, oncles, cousins et même voisins, l'évolution amorcée par la colonisation et poursuivie par la suite, du fait de l'urbanisation et des migrations, met de plus en plus les pères face à leur statut de façon individuelle. Les mentalités se sont adaptées à ce changement : à titre d'exemple, la correction des enfants par les adultes du voisinage n'est plus acceptée des parents. - La mise en place d'institutions substitutives de l'autorité paternelle. L'école a introduit l'autorité des maîtres dans la fonction éducative, sur la base d'un modèle souvent différent de la tradition, et parfois ignoré du père. L'institution du travail salarié a mis fin à l'entreprise familiale et à la dépendance économique qu'elle entraînait pour les fils. Un vieux insiste sur ce fait à partir des déclarations de ses interviewés[31], et mentionne un avis analogue de Néfissa Zerdoumi, le témoignage de l'écrivain Mouloud Feraoun, montrant la mère participer aux côtés du garçon à la tyrannisation des filles par celui-ci. Cette participation des femmes à la reproduction de ce que certains désignent comme leur statut d'opprimées mérite de retenir l'attention. Serait-ce que, dans cette culture, chacun, homme ou femme, trouve son compte ? Et dans ce cas, où et comment ? Enfin il apparaît bien que cette transmission n'est possible que dans le milieu social et avec son support. Le père est confirmé dans sa virilité par le milieu des hommes qu'il se doit de fréquenter et auprès desquels il se valorise. La femme reçoit un soutien équivalent du milieu féminin. L'ensemble du système bénéficie de l'appui apporté par l'islam à la virilité. Ceci suggère à quel point peut être mise en cause cette position paternelle quand le milieu vient à se désagréger ou l'idéologie islamique à s'affaiblir: l'homme se retrouve dès lors face à la femme qui ne le reconnaît plus : Chkûn hadha ? Chkûn bgha ikûn huwa ? (« Qui est-ce, celui-là ? Pour qui se prend-il pour s'arroger de tels droits[32] ? 2. Les changements qui influent sur le statut du père Ce sont précisément les deux supports du statut du père que l'évolu­tion récente tend à mettre en cause : la structuration collective du milieu social et l'exclusivité normative de l'islam. Il s'agit là de données bien connues que je me contenterai de mentionner pour en mesurer les conséquences. L'autorité de l'Etat substituée à celle du père Dans la période récente, la mise en place de l'Etat, principalement après l'indépendance, a eu pour résultat de réduire de multiples façons la place prééminente occupée par le père. Certains aspects en sont plus déterminants - La déstructuration du groupe " père collectif ". A la fonction pater­nelle exercée presque collectivement par le milieu des pères, oncles, cousins et même voisins, l'évolution amorcée par la colonisation et poursuivie par la suite, du fait de l'urbanisation et des migrations, met de plus en plus les pères face à leur statut de façon individuelle. Les mentalités se sont adaptées à ce changement : à titre d'exemple, la correction des enfants par les adultes du voisinage n'est plus acceptée des parents. - La mise en place d'institutions substitutives de l'autorité paternelle. L'école a introduit l'autorité des maîtres dans la fonction éducative, sur la base d'un modèle souvent différent de la tradition, et parfois ignoré du père. L'institution du travail salarié a mis fin à l'entreprise familiale et à la dépendance économique qu'elle entraînait pour les fils. Un vieux bédouin d'Arabie disait : " Quand je fais une réprimande à mon fils, il va à l'administration se faire établir une carte d'identité et s'engage dans l'armée." Ce stade premier de l'émancipation s'est depuis longtemps réalisé au Maghreb, même s'il s'y trouve encore des adultes salariés qui remettent leur salaire à leur vieux père. Enfin c'est l'ensemble des institutions qui, par leur discours sur l'hygiène, la santé, l'habitat, la consommation, l'argent, se placent en contradiction avec les valeurs reçues. A une valorisation par l'honneur, acquise dans la collectivité par ses ancêtres et ses actions, se substitue une valorisation par l'argent, à laquelle on accède individuellement par le mérite, le travail ou la chance : cette substitution prive le système traditionnel du moteur principal de sa dynamique. La mise en cause du " statut de la femme" Le statut de la femme tel que nous l'avons situé est une donnée importante de la culture telle qu'elle s'exprime dans la tradition et le droit islamiques. Sous l'influence occidentale modernisante, le courant d'émancipation de la femme s'est peu à peu répandu dans le monde arabe. Dans le Maghreb, la colonisation a freiné ce mouvement : ainsi le voile de la femme était devenu le symbole du refus de l'assimilation. Cependant les idées et parfois les pratiques pénétraient peu à peu : on peut citer à titre d'exemple le livre écrit par le Tunisien Tahar El Haddad en 1930 [33] et favorable à la libération de la femme. Après l'accession des pays du Maghreb à l'indépendance, ce mouvement s'est diversement développé fortement encouragé en Tunisie, toléré au Maroc, plutôt freiné en Algérie. Ce qui est important en ceci n'est pas l'état actuel des législations et des pratiques, mais plutôt le caractère inéluctable qu'a pris cette évolution pour la plupart des hommes du Maghreb, l'amorce de « mauvaise cons­cience masculine » qui s'est instaurée, et de toute façon la forte perplexité sur la question qui apparaît dans la presse, la littérature et les films. La conséquence des changements sociaux et de cette prise de conscience féministe est une difficile cohabitation nucléaire où un couple isolé, homme et femme, se trouve en face à face, sans le support social antérieur, face à un bouleversement des normes dont le moins inquiétant n'est pas la libéralisation sexuelle diffusée par les média internationaux. Les garanties traditionnelles de la paternité, assurées par l'ancienne contrainte masculine, peuvent de moins en moins s'exercer et se justifier. La seule solution qui reste à l'homme est de faire confiance à la femme, alors que toute une tradition s'était construite sur la défiance. En cette question, le seul recours que peut trouver l'homme se trouve dans l'islam. Seul celui-ci peut, par sa tradition historique et juridique et le prestige mondial dont il bénéficie, apporter une justification de l'ancien état des choses, opposer un barrage au torrent modernisant. Même à travers ses formes les plus réformistes, il apporte à l'homme un soutien sûr : c'est là sans doute un facteur important de son succès actuel. Mais il n'est pas certain que, sur ce point, il puisse encore longtemps servir de rempart. Il faut d'ailleurs rappeler que la défense du point de vue de l'islam n'est pas l'apanage des hommes seuls. De même que les femmes parti­cipent à la transmission des valeurs traditionnelles, leur attachement à l'islam peut les conduire à favoriser leur maintien et à trouver des formes nouvelles qui soient en conformité avec elles. Dans le changement social profond que vit actuellement le Maghreb, l'aspect le plus fortement souligné est généralement le « problème de la femme ». De ce qui précède il apparaît qu'il y a peut-être surtout un « problème de l'homme ». Toute une culture a été fondée sur un statut de la virilité fortement protégée par le milieu masculin collectif et par l'islam. Celui-ci doit relâcher de sa rigueur, et le milieu masculin se désagrège : d'où l'angoisse paralysante d'une virilité privée de ses sup­ports anciens, angoisse qui empêche toute adaptation au nouvel état des choses. La question est peut-être de savoir si cette nécessaire reconnais­sance de la virilité, fondement de la paternité, pourra passer d'un état où elle était octroyée par le seul milieu masculin à un autre où elle serait l'effet de la reconnaissance - donnée et reçue - de l'autre sexe : être homme, c'est-à-dire être reconnu comme tel par une femme, être père, c'est-à-dire être désigné comme tel par une mère. LANGAGE INTERDIT C'est par rapport aux changements profonds précédemment évoqués qu'il importe de situer la fonction de la langue. La question est de savoir ce que transmet la langue de cette culture du Maghreb. Une langue n'est vraiment telle que dans la mesure où elle peut exprimer les mythes, transmettre les systèmes symboliques qui sont la réponse d'une tradition aux questions fondamentales que se posent les individus et qui ne sont pas l'objet du savoir rationnel, telles que celles qui concernent l'origine et la fin de la vie, l'identité et la différence des sexes[34].. Des modifications en ce domaine peuvent venir de deux côtés : du côté des systèmes symboliques eux-mêmes qui changent ou sont récusés, ou du côté des langues qui ne sont plus à même de les transmettre. On peut envisager, plus probablement, que les traditions changent quand il n'y a plus de langue pour les transmettre : c'est le cas lorsque la langue est saturée de mots : mots du pouvoir, mots de la science, mots des média, qui ne laissent plus de champ à l'expression. Il s'agit alors de cas où la langue n'est plus transmission de la loi du groupe, mais enjeu de pouvoir entre groupes concurrents. 1. Le système des langues au Maghreb Comme tous les pays de culture arabe, le Maghreb vit sur une dualité langue classique - langue maternelle. Celle-ci, dite aussi langue dialectale, y est berbère ou arabe. Dans chaque groupe dialectal, régnait autrefois une grande diversité : le dialecte variait par régions, parfois par villages. Ceci indique que la langue maternelle correspondait à la diversité des groupes ethniques ou résidentiels. La caractéristique du dialecte - arabe ou berbère - est son extrême particularisme : on peut de ce fait le qualifier de langue du dedans, face à l'universalité de la langue arabe classique, langue identifiée à l'islam et universelle comme lui. Avec le développement des communications à l'époque moderne, une certaine unification s'est réalisée dans ces dialectes, et se poursuit maintenant à l'échelle nationale. Mais le dialecte peut encore être qualifié de langue de l'intimité, dans la mesure où il est purement oral et de ce fait, échappant au contrôle académique, il peut conserver son dynamisme. L'arabe classique a été au Maghreb profondément vécu dans sa rela­tion fondamentale à l'islam. Cette référence privilégiée s'était atténuée en Orient, où la langue arabe, depuis le XIX° siècle, a été utilisée aussi pour des usages modernes. Au Maghreb, du fait de la colonisation, l'ouver­ture à la modernité s'était faite en français. De ce fait la langue arabe était demeurée dans un statut linguistique classique et dans une référence symbolique essentielle à l'islam. Cette caractéristique était plus marquée en Algérie, pays où la colonisation a été la plus longue et où l'islam, en l'absence du maintien de toute autre structure symbolique (telle que le sultanat au Maroc ou le beylicat en Tunisie) était resté la référence d'identité première pour la société. La politique d'arabisation adoptée au Maghreb après l'indépendance a posé le problème d'une langue arabe susceptible de répondre aux critères d'une langue nationale et aux besoins d'expression d'une société moderne. Concrètement il s'agissait d'une langue arabe qui pourrait tenir la place du français, et dont la référence essentielle allait se situer, de ce fait, beaucoup plus du côté de cette langue étrangère que du côté de l'arabe classique, dont elle devait pourtant revêtir les « habits » : les structures et sans doute aussi les attraits. En réalité cette langue devait apparaître principalement comme la langue de l'Etat, langue de sa gestion, mais aussi de sa légitimation[35]. La langue française, langue officielle durant la colonisation, a, après l'indépendance, conservé, par la volonté des Etats, une place importante au Maghreb. Du fait de l'extension de la scolarisation et de l'influence des media, elle y est connue d'une fraction plus large de la population que durant la période coloniale. Cette langue autrefois imposée porte certes la marque de l'oppression et du déni colonial. Mais, ayant été aussi la langue de l'ouverture à un monde différent en ses techniques et ses valeurs, elle bénéficie de la séduction que ce monde peut exercer. D'où le caractère ambivalent qui marque l'attitude à son égard de la population au Maghreb. Laissant de côté ici les aspects politiques et linguistiques de la ques­tion, je voudrais tenter d'apprécier le rapport de cet ensemble de langues à la nécessité d'expression symbolique propre à toute culture. 2. Langue et interdit au Maghreb Les langues valent certes par l'usage qu'on en fait. Mais il est non moins certain qu'à un stade déterminé, les langues ne sont pas inter­changeables, ce qui montre que chacune d'entre elles renvoie à un univers symbolique propre, comportant ses lois et ses interdits spécifiques. La langue maternelle J'entends par là la langue qui est parlée par l'enfant dans son premier environnement familial. Au Maghreb cette langue parlée est dénommée couramment dialecte, arabe ou berbère. Le caractère principal de cette langue maternelle est de renvoyer aux valeurs traditionnelles. Elle en transmet la loi, en particulier la façon dont ce milieu conçoit l'honneur en tant que référé à la différence des sexes et à la distinction extérieur-intérieur. Ceci inclut une gestion spécifique de la parole dans le milieu, référée à la distinction des sexes : c'est ce qu'illustre le proverbe : « Le silence de l'homme est refus, le silence de la femme est consentement ». La parole dans sa plénitude est attribut masculin. Cette distinction des sexes inclut aussi que la parole circule bien à l'intérieur de chaque sexe, et difficilement d'un sexe à l'autre. Ainsi en est-il des générations : le fils doit se taire devant son père, et encore plus la fille, puisque dans son cas se redoublent les barrières du sexe et de la généalogie. Ces deux barrières qui retiennent la parole individuelle laissent plutôt passer la parole collective, ce que la tradition et les usages disent de ce qui peut se faire ou non dans les relations sociales. C'est cette langue maternelle qui transmet cette prééminence de la virilité, et sans doute aussi son phantasme correspondant de la toute-puissance féminine. Elle comporte aussi un interdit de « libre-échange » entre les sexes et les générations et de ce fait soumet l'expression individuelle à la prééminence de la parole collective. Son apparente modernisation, par l'assimilation de nombreux termes étrangers, n'a guère modifié ce caractère, dans la mesure où ces emprunts ont davantage porté sur des objets, des techniques ou des modes nou­velles. Les références aux valeurs traditionnelles sont demeurées essen­tielles. C'est sans doute ce qui permet à cette langue maternelle de jouer un rôle de référence à l'origine, d'incarner l'originaire et de pouvoir ainsi, en situation de changement, supporter le phantasme de retour possible à cette origine. En effet cette origine semble coïncider avec une organisation du monde qu'on peut d'autant plus souhaiter stable qu'on perçoit - parfois douloureusement - sa mise en cause radicale dans la réalité. Ce phantasme de retour à l'origine est certainement renforcé par les attaques dont est victime cette langue maternelle. Celles-ci viennent d'une part de la langue arabe moderne dont la vocation à devenir langue natio­nale et maternelle est affirmée par l'Etat. Elles viennent aussi de l'usage fait de cette langue maternelle par les media : ceux-ci travaillent à une unification des dialectes par la prééminence du dialecte de la capitale, lui-même " épuré " des expressions trop proches du terroir par l'emprunt de termes de l'arabe classique. Ceci est vrai pour ce qui concerne les dialectes arabes, mais a son analogue pour le berbère : les émissions en cette langue tendant constamment à y introduire des termes arabes[36]. Mais cet emploi du dialecte par les media - pour valorisant qu'il soit par ailleurs - agresse davantage la langue maternelle par son contenu : il dit moins le traditionnel que le moderne, moins le vécu que le confor­misme, et exprime souvent plus le bourgeois citadin que le populaire rural : une illustration peut en être trouvée dans les émissions de radio consacrées aux femmes, telle que al-bayt as-sa'id (« la maison heu­reuse »)[37] en Algérie. L'interdit que transmet la langue maternelle porte principalement sur ce qui concerne la sexualité, dans la mesure où celle-ci tendrait, par la libération du désir individuel, à remettre en cause l'organisation symbo­lique fondée sur la prééminence virile. Cet interdit exclut l'échange de parole individuelle entre ceux que sépare le sexe ou la génération, la parole étant l'attribut du dominant, le symbole de son pouvoir et sans doute aussi, son risque . La langue arabe coranique J'ai indiqué plus haut dans quelles conditions la langue arabe classi­que était demeurée au Maghreb dans une relation privilégiée à l'islam. L'islam est affirmation de l'unicité divine. Dans le contexte du Maghreb, cette affirmation exprime principalement l'interdit sur le culte des inter­médiaires, héritiers des cultes naturistes, et énergiquement dénoncés jusqu'à ce jour par les tenants de l'orthodoxie : culte des marabouts, pratiques magiques, rites d'intercession[38]. Le berbère étant le substrat de cette culture maghrébine ancienne, et l'arabisation ayant toujours été dans le passé associée à l'islamisation, la persistance de cette langue berbère apparaît comme un inachèvement de l'islamisation du Maghreb. La langue coranique est aussi au Maghreb le symbole bien ancré de l'identité islamique. Elle a durant la période coloniale incarné le pôle autour duquel se concrétisait une identité différente de celle que repré­sentait l'Occident. De ce fait elle transmet le code culturel où s'opère la résistance aux valeurs diffusées par l'Occident, principalement en ce qui concerne le « cœur » de cette culture : la famille et la sexualité. En effet, dans l'ignorance où nous sommes de la culture des sociétés du Maghreb avant leur islamisation, nous constatons que leur structure symbolique reprend les valeurs de l'islam. Le Coran réaffirme à maintes reprises la prééminence masculine : ainsi l'influence de la langue coranique joue dans le même sens que celle de la langue maternelle. Le problème culturel posé par l'affirmation insistante de la virilité (ou par sa défense inquiète) se trouve de ce fait déborder le cadre strict du Maghreb. Le poids de l'interdit porté par cette langue coranique se fait sentir dans l'expression des écrivains maghrébins contemporains. Plusieurs d'entre eux, notamment Tahar Ben Jelloun, ont déclaré qu'il ne leur était pas possible d'aborder dans la langue arabe certains thèmes touchant à la sexualité. A titre d'exemple, on peut citer le cas de l'ouvrage de Mohamed Choukri [39] (Le pain nu), refusé pour sa violence par les éditeurs arabes, et qui ne put être publié que dans sa traduction française. La langue française Introduite au Maghreb par la colonisation, la langue française y était porteuse d'un déni global tant des cultures locales que de la culture islamique. Elle y incarnait la loi du colonisateur, mais principalement la relation affirmée de celui-ci aux valeurs du modernisme, du développement, de la science. C'est donc un refoulement sur l'ensemble de la culture maghrébine en tant que "sous-développée ", " irrationnelle " qui est connoté par la langue française. Si cette langue supporte facilement la rupture des tabous relatifs aux valeurs traditionnelles, et exprime sans retenue l'incroyance - du moins celle qui concerne la religion -, elle demeure porteuse d'un puissant interdit sur ce qui est taxé d'irrationnel. Le témoignage des thérapeutes maghrébins révèle que tout ce qui concerne les pratiques dites magiques telles que le " mauvais oeil " ('Ain[40]) ne peut être dit qu'en langue maternelle, tandis que la parole adressée à des praticiens francophones dans leur langue tend à se référer à leur mode d'explication rationnel ou du moins demeure dans une prudente expectative. La langue arabe moderne La langue arabe moderne, que j'ai nommée ailleurs langue de l'arabi­sation[41], est présente au Maghreb pour exprimer la loi de l'État dans une perspective de développement. Si elle se réfère au français pour l'essen­tiel de son contenu, elle prend, du point de vue des valeurs, la place de la langue coranique. Au bénéfice de l'Etat, elle est porteuse d'un double interdit : interdit sur les langues locales (et principalement berbères) au profit de l'unité nationale, interdit sur le français au profit du natio­nalisme étatique. Ce double tabou conduit le responsable paysan parlant à la radio à s'excuser de parler en dialecte, ou à paraître ridicule, et le haut fonctionnaire ignorant l'arabe à s'excuser de parler en français. Quand l'un et l'autre s'obstinent à s'exprimer en arabe moderne, le pre­mier perd sa spontanéité et le second sa clarté. Ces faits dont est émaillée la chronique quotidienne au Maghreb révèlent simplement le poids de l'interdit qui pèse sur ces deux langues, maternelle et française, et sur les références culturelles qui leur correspondent. Par contre en ce qui concerne les valeurs centrales, cette langue arabe reprend celles qui sont affirmées par les langues maternelle et coranique, en ce qui concerne notamment le primat de la virilité, à l'exception d'un courant très minoritaire, qui peut se référer à l'idéologie laïciste baathiste implantée en Orient, idéologie qui propose une arabisation sans islamisation. 3. Comment dire, ou l'inter-dit Les langues, rappelons-le, valent surtout par l'usage qu'on en fait. L'observation de ce qui se passe au Maghreb permet de constater que le carcan des langues est parfois brisé, et que le langage de la vie par­vient à affleurer à travers les mots de la tradition, du nationalisme ou du rationalisme. Cela se réalise par l'action d'individus qui, affrontant difficultés, tabous et interdits, parviennent à créer pour leur parole un espace de liberté, en contournant les mots d'une langue ou en jouant de la multiplicité des langues. Ceux-là ont compris qu'il n'y a pas de liberté à attendre du pouvoir, et surtout pas dans la langue. A côté d'une langue maternelle qui répète les mots de la tradition dans les familles ou les slogans du conformisme à la radio, il y a une langue maternelle qui dit le désir d'être libre et d'assumer son destin, malgré les difficultés qui s'y opposent. C'est le cas dans tout le Maghreb de nombreux chanteurs isolés ou en groupes[42], d'auteurs de pièces de théâtre[43]. Leur succès révèle l'effet de libération que produit l'émergence dans la parole de préoccupations vécues comme pensées interdites ou phantasmes inaccessibles. Dans la pratique journalière, une mutation continue aboutit à mettre à jour un langage nouveau : un père qui puisse parler à son fils, un homme qui puisse déclarer son amour à une femme[44], même si cela doit emprunter le détour de langages codés, tels que ceux qu'on désigne au Maroc du terme de ghawas[45] - d'une racine arabe qui désigne par ailleurs le sous-marin... Mais en ce domaine, c'est souvent la langue française qui est utilisée, comme étant la plus éloignée des tabous traditionnels qu'on a scrupule ou angoisse à briser. Peut-être aussi l'utilisation de cette langue permet-­elle d'entrer dans le « continent inconnu » en gardant l'illusion - ou le désir - de conserver un lien avec le monde plus rassurant des valeurs traditionnelles, d'où la virilité tire sa caution. Le cas de la langue arabe est plus difficile à cerner du fait du poids écrasant du double interdit qui pèse sur elle : ce qui est dit en arabe doit être islamique et nationaliste. Au Maghreb, l'islam et l'Etat pèsent lourdement sur la langue arabe, et le fait que cette langue ne soit pas d'usage quotidien et familier l'empêche d'acquérir la souplesse qui per­mettrait à ses utilisateurs d'en contourner les interdits. C'est la raison pour laquelle l'expression en arabe moderne apparaît trop souvent mar­quée d'un conformisme qui engendre l'ennui, ennui qu'une image permet d'évoquer : celle de la présentation d'un journal télévisé. Ce poids, des écrivains de langue arabe tentent parfois de le lever. Mais cette libération interne de la langue arabe se fait difficilement au Maghreb du fait que les auteurs capables de la réaliser préfèrent souvent recourir à la langue française où ils estiment trouver plus de liberté d'expression. Cette liberté d'expression dans la langue arabe ne manque pourtant pas d'un solide arrière-plan culturel, dans une littérature qui n'est pas toute de dévotion : essais, récits, traités - dont l'ouvrage de Abdelwahab Bouhdiba donne une idée - et surtout la poésie, four­nissent un solide contrepoint de ce qui est connu de la pudeur officielle. Il n'est toutefois pas certain que les censeurs actuels en souhaitent la mise au jour : l'autodafé dont fut victime récemment au Caire l'édition intégrale des Mille et Une Nuits[46] déclarée « "immorale et anti-islamique" constitue une illustration inquiétante de ce que peuvent être en ce domaine les préoccupations de certains gérants de la langue arabe. De la langue et du père Quand se produisent dans une société des changements fondamen­taux - qu'on s'en félicite ou non -, le langage peut-il encore user de mots qui ignorent ces changements ? Le langage a-t-il pour fonction de maintenir l'illusion d'une permanence, d'un retour possible à l'origine, en faisant comme si les changements n'étaient que les effets passagers d'une intervention étrangère ? Est-il possible d'affirmer que tout change, mais que les valeurs demeurent identiques ? Toutes les sociétés ont su élaborer des systèmes symboliques, des systèmes d'explication de ce qui reste mystère pour les hommes, mais se situe au centre de leur quête : mystère de l'origine, de la différence des sexes, de la mort. Le propre de la société moderne est de rejeter ce qui n'est pas objet de savoir scientifique. Les gestionnaires tradition­nels du mystère ont souvent eux-mêmes succombé au vertige du rationnel, participant à ce « désenchantement du monde » dont parle Marcel Gauchet[47]. Cette béance du symbolique a généralement provoqué dans le monde moderne un regain des pratiques dites irrationnelles : superstition, magie, ou plus simplement un réancrage dans le système des croyances anciennes, comme dans le cas des intégrismes. Ce mouvement général et l'inconfort, voire l'angoisse, qui s'y rattache s'amplifient du fait que rien de tout cela n'est dit. Mon propos était ici de montrer comment, dans le cas du Maghreb, les langues se trouvent en difficultés, prises dans leurs mots, pour dire ce qu'elles ne disaient pas ou ce qui ne s'était pas produit auparavant : une virilité toujours affirmée, mais privée de son soutien, une conception de l'honneur coupée de ses références, et d'une façon plus générale, des comportements référés à la collectivité alors qu'à celle-ci s'est substituée la masse anonyme des comportements individuels. Aux règles de comportements soigneusement transmises et expliquées par la tradition dans leur endroit et leur envers, dans leur manifeste et leur latent, se substituent des consignes diffusées par la mode dominante, la loi du « ce qui se fait »,du must, et de plus en plus, les modes changeantes, voire éphémères, diffusées par les media. Tous ces changements devraient pouvoir être dits. Or les langues sont chargées d'interdits et saturées de mots : les mots du politique, les mots du rationnel, les mots du discours médiatique. Ces mots ne laissent plus dans le langage place à l'expression : expression de la transmission, expression de la création. Chaque langue est en réalité un enjeu de pouvoir, comportant ce qui doit être dit et ce qui ne doit pas l'être : langue de bois, langage conventionnel, obligeant chacun à garder pour soi, sinon à refouler, les questions qui le hantent. La parole est l'apanage des porte-parole en ses diverses formes : politique, religieux, scientifique. L'alternative en serait un langage libéré des mots du pouvoir, libre de ce fait d'exprimer, de chacun, les formes successives, multiples, ambivalentes, voire ambiguës, du désir. A cette exigence aucun langage ne saurait répondre totalement. Tout être humain, toute société, recèle une zone inaccessible qui lui est inconsciente, mais n'en constitue pas moins le substrat de son langage. Entre l'inconscient et le conscient, le latent et le manifeste, le langage plein réalise cette circulation de paroles, de mythes, de phantasmes qui en constitue la respiration. Mais quand le langage est devenu prisonnier des mots, incapable de transmettre la parole vraie d'une société ou d'un individu, une sorte d'asphyxie ou de paralysie s'instaure. Il en va de même lorsque la place du père ne peut trouver à s'exprimer parce que les repères de la virilité ont été perdus[48]. Que le masculin soit reconnu dans la rencontre du féminin et non plus dans son exclusion ou son déni, un nouveau circuit de la parole peut alors s'établir en lieu et place des phantasmes et de l'imaginaire. Un ami psychanalyste me disait un jour : « Quand la langue devient un enjeu de pouvoir, c'est la place du père qui est menacée. - C'est ce que ces pages ont tenté d'expliciter
[1] " Les catholiques tentés par la tradition ", par Alain Faujas, Le Monde, 5 et 6 Juillet 1984. [2] Maxime Rodinson, " L'intégrisme musulman et l'intégrisme de toujours. Essai d'explication ", Raison présente, n° 72, 4° trim. 1984, pp. 89-104. [3] Une explicitation de cette convergence se trouve dans l'ouvrage de Anika Rifflet­Lemaire, Jacques Lacan, Bruxelles, Ch. Dessart, 1970. [4] Germaine Tillion, Le Harem et les cousins, Paris, Le Seuil, 1966. [5] Abdelwahab Bouhdiba, La sexualité en Islam, Paris, PUF, 1975. [6] Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, éd. Minuit, 1980, pp. 441-461. [7]Les citations du Coran sont faites à partir de l'édition bilingue, Dar al-kitab allub­ nani, Beyrouth, traduction D. Masson, Galllmard, 1967. [8]Ghassan Acha, Les hommes ont sur elles une prééminence, thèse de doctorat, Paris III, 1985, ronéo. [9] Sur ce thème de l'honneur, cf. P. Bourdieu, Le sens pratique, op. cit., p. 131-sq et Esquisse d'une théorie de la pratique, Genève, Droz, 1972, p. 12-sq [10] Cf. l'opinion émise par Hildred Geertz, in Meaning and Order in Moroccan Society, Cambridge Univ. Press, 1979. [11]S. Freud, Cinq psychanalyses, Paris, PUF, 1975, p. 251, note 1. [12] Aldo Naouri, Une place pour le père, Paris, Seuil, 1985. [13] André Miquel et Percy Kemp, Majnun et Layla : l'amour fou, Sindbad, 1984. Sur le même thème, la traduction d'André Miquel : Majnun, l'amour poème, Sindbad, 1984, et le roman d'André Miquel, Layla, ma raison, Seuil, 1984. [14] Fatima Mernissi, Sexe, idéologie, islam, Tierce, 1983. [15] Hossain Bendahman, Personnalité maghrébine et fonction paternelle au Maghreb (Oedipe maghrébin), La Pensée Universelle, 1984, p. 218. [16] Monique Schneider, " Père, ne vols-tu pas... ? " Le père, le maître, le spectre dans l'Interprétation des rêves, Denoël, 1985, p. 174. [17] Nicole Loraux, Les Enfants d'Athéna, Maspéro, 1981, p. 13. [18] H. Bendahman, op. cit., p. 267. [19] Nadia Mohia, La thérapeutique traditionnelle dans la société kabyle, thèse de doctorat, Paris VII, 1985, p. 321. [20] Oui l'emporte, la femme ou l'homme ?, conte populaire marocain recueilli par Fatima Mernissi et illustré par Saladi, Casablanca, 1983. [21] H. Bendahman, op, cit., p. 258. [22] Ibid., p. 267. [23] Néfissa Zerdoumi, Enfants d'hier, l'éducation de l'enfant en milieu traditionnel algérien, Paris, Maspéro, 1970, p. 162. [24] lbid., p. 167. [25] lbid., p. 166. [26] A. Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, Paris, Maisonneuve, 1960, t. II, p. 539. [27] Fatima Mernissi, Sexe, idéologie, Islam..., p. 28 [28] H. Bendahman, op. cit., p. 223. [29] Ibid., p. 211. [30] Cité par Mme Zhor Ben Chemsi, lors d'une intervention au séminaire d'anthropologie du monde arabe de l'E.H.E.S.S. [31] Ibid., p. 211. [32] Cité par Mme Zhor Ben Chemsi, lors d'une intervention au séminaire d'anthropologie du monde arabe de l'E.H.E.S.S. [33]Tahar El Haddad, Mar'atu-nâ fi ach-chari'a wa-l-mujtama', Tunis, s.n., 1936, réédition Maison tunisienne d'édition, 1980, (titre qu'on peut traduire par : « la femme de chez nous, dans la législation islamique et dans le milieu social .). [34] Cf. pour cette question, Jean-Paul Valabrega, Phantasme, mythe, corps et sens, Paris, Payot, 1980, p. 52 et passim. [35] Cette question est développée dans mon ouvrage, Arabisation et politique lin­guistique au Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, 1983. [36] Cf. les indications données à ce sujet par Fatima Yantren, Chants kabyles modernes et expressions d'identité, mémoire de i'E.H.E.S.S., 1985, pp. 22-25. [37] El-bayt es-sa'id : mythes et réalités. Analyse de contenu d'un discours culturel, mémoire présenté par Ilhem Niati et Naîla Kebbati, université d'Oran, Institut des sciences sociales, 1983. [38] Pour cette question, il faut renvoyer à Emile Dermenghem, Le culte des saints dans l'islam maghrébin, Paris, Gallimard, 1954. [39] Mohamed Choukri, Le pain nu, Récit autobiographique traduit de l'arabe par Tahar Ben Jelloun, Paris, Maspéro, 1980. [40] Cf. sur ce sujet : Malek Chebel, Le corps dans la tradition du Maghreb Paris, PUF, 1984. [41] Cf. Arabisation..., p. 24. [42]Cf.M.Dernouny etB.Zoulef, . "Un chant protestataire marocain •, Peuples Méditerranéens, n° 12, juillet-sept. 1980, pp. 3-31, et le mémoire cité ci-dessus de Fatima Yantren. [43] Cf. Zohra Siagh, Les usages linguistiques dans le théâtre amateur algérien (1978­1981), thèse de doctorat, université de Paris V, 1984. [44] Le film algérien Gatlato a finement analysé la complexité d'un mode de relation nouveau dans la culture. [45] Cf. Les recherches sur ce thème de Mohamed Asilem. [46] Les "Mille et Une Nuits" au pilori... •,Le Monde, 21-5-85. [47] Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985. [48] Mohand Chabane, . "Virilité et paternité. A propos des plantes somatiques des hommes au Maghreb", in Psychanalystes, N°12, juilet 1984, pp.19-38.


Gilbert GHrandguillaume

Anthropologue arabisant,
spécialiste du Maghreb et du Monde arabe.

Tel. 33.1.60 23 62 88
Mail : gilbertgrandguillaume@yahoo.fr