Gilbert GHrandguillaume

Anthropologue arabisant,
spécialiste du Maghreb et du Monde arabe.

Nedroma, l'évolution d'une médina Arabisation et politique linguistique au maghreb Sanaa Hors les murs
Bibliographie Compte-rendus Entretiens Préfaces en arabe   باللغة العربية

Articles
L'arabisation au Maghreb
.
Revue d’Aménagement linguistique, Aménagement linguistique au Maghreb, Office Québécois de la langue française, N°107, hiver 2004, p.15-40.

Les trois pays du Maghreb retenus dans cette étude, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie, ont en commun d’être multilingues. En outre, la question des langues ne s’y réduit pas à l’aspect d’intercommunication, elle touche aussi à des traits importants de la société tels que l’identité, l’idéologie, les rapports sociaux, la religion, la légitimité. À ces divers niveaux, les langues représentent un élément déterminant de la vie de ces trois pays. Pour en comprendre le sens, il faut à la fois envisager les traits communs aux trois pays, mais aussi la trajectoire suivie par chacun d’eux en fonction de sa spécificité. C’est au terme de cet examen qu’il sera possible de préciser les enjeux réels des langues et les orientations possibles d’actions en ce domaine.

1. Des données communes
Les trois pays ont en commun d’avoir une situation linguistique identique, d’avoir été colonisés par la France pendant une période plus ou moins longue, et d’avoir une problématique commune dans le domaine des langues.

1.1 La situation des langues
Les trois pays ont une situation linguistique comportant plusieurs registres.
Il y a d’abord, comme dans tout le monde arabe, un dualisme interne à la langue arabe, qui distingue une langue écrite, référée à la révélation du Coran, et des langues parlées. La première est réservée à des usages écrits, ou à des usages oraux tels que la prédication, la récitation : elle est langue de la prière, des rituels, et dans sa forme écrite s’exprime toute la tradition religieuse et ses annexes (Coran, commentaires, ouvrages de grammaire, de syntaxe, d’éloquence). Dans la suite des siècles, elle a été la seule langue du savoir, de la littérature, mais aussi de la poésie savante (pour la distinguer de la poésie populaire). Le fait qu’elle soit soustraite à l’usage quotidien lui a conservé une stabilité relative, jusqu’à son introduction récente dans les usages laïques du monde moderne. Elle conserve jusqu’à nos jours une relation forte à l’islam.
Quant aux langues du quotidien, elles sont uniquement orales et sont diversifiées, autrefois selon les tribus et les villes, aujourd’hui selon les entités régionales et nationales. Ces variétés sont arabes, mais dans deux pays, l’Algérie et le Maroc, une partie de la population utilise des parlers berbères : il s’agit de parlers antérieurs aux langues arabes, dans lesquels s’exprimait la quasi-totalité des populations au Maghreb avant l’arrivée des Arabes et l’introduction de leurs parlers. On peut considérer que, à part la faible proportion d’immigrants venus d’Orient ou d’Andalousie à diverses époques, la majorité de la population arabophone d’aujourd’hui fut berbérophone, à un nombre variable de générations. En Tunisie, la pratique du berbère a disparu, à part quelques îlots dans le Sud tunisien, et cette pratique est évaluée à 1 % de la population, alors que cette proportion est d’environ 20 % en Algérie et de 40 % au Maroc .
La colonisation a introduit la langue française dans ces trois pays. D’abord langue de l’Administration propre aux colonisateurs, cette langue s’est répandue dans une grande partie de la population par le biais de l’enseignement et de l’Administration. Langue de domination, elle fut aussi considérée comme langue d’ouverture sur le monde moderne, une fonction que la langue arabe écrite, minorée par la France et coupée de ses attaches externes, ne pouvait guère remplir à cette période. Cette langue s’est répandue dans ses usages écrits et oraux, elle a influencé les langues parlées par les emprunts que celles-ci lui ont faits. Elle se trouvait en situation de langue officielle lors de l’accession de chacun de ces pays à son indépendance. Mais la politique d’enseignement suivie par la suite en a étendu la connaissance à des couches de population beaucoup plus larges que précédemment.
Dans cette situation, chacun des trois pays a tenté de rendre à la langue arabe écrite une place qu’elle avait perdue du fait de la colonisation. On a donc tenté de l’utiliser pour des usages différents de ses usages traditionnels, en lui faisant pratiquement prendre une place analogue à celle de la langue française, voire à la substituer à celle-ci. C’est ce que l’on a appelé la politique d’arabisation . Elle se fondait sur une langue arabe identique à l’ancienne dans ses structures linguistiques, mais calquée sur les langues modernes (en l’occurrence le français) en ce qui concerne le vocabulaire et les fonctions : on désigne cette langue, qui n’est nulle part langue maternelle, par le terme arabe moderne ou arabe médian (en anglais, educated arabic). C’est la mise en oeuvre de cette politique qui constitue la toile de fond de l’évolution linguistique suivie par ces trois pays.

1.2 Colonisation et indépendance
Chacun des trois pays a vécu une période de colonisation au terme de laquelle il a pu accéder à l’indépendance, au prix d’une lutte de libération plus ou moins difficile. Chacun des trois pays a été profondément marqué par le modèle français, non seulement du point de vue de la langue, mais aussi du point de vue de l’Administration, du type de modernisation, des modèles pédagogiques, de la conception même de l’identité nationale. Chacun d’eux a eu sur son sol une minorité importante d’Européens (Français, Italiens, Espagnols notamment) qui ont laissé une empreinte économique et culturelle. Cette marque ne s’est pas effacée puisque, environ quarante ans après leur indépendance, ces pays voient leur appartenance à l’Union européenne comme une évolution naturelle de leur devenir national. Toutefois, des différences existent entre les trois pays. Elles sont attribuables au type de colonisation, à sa durée, et à leurs incidences culturelles. Tunisie et Maroc ont été dès l’origine des protectorats, conservant une identité politique propre, symbolisée par le beylicat en Tunisie et le sultanat au Maroc. Même dominés, ces pays n’étaient pas la France; leurs habitants se considéraient comme Tunisiens ou Marocains. Au contraire, les Algériens, dont le pays était annexé à la France, ne pouvaient se considérer comme Algériens – ce terme étant monopolisé par les colons – , mais seulement comme musulmans. L’importance de la référence islamique dans cette définition d’une entité spécifique algérienne, jointe à son caractère de résistance, devait peser lourd par la suite sur la destinée de ce pays. Ceci d’autant plus que la durée de la colonisation fut longue en Algérie (130 ans), alors qu’elle ne fut que d’environ 60 ans en Tunisie et de 40 ans au Maroc. De ce fait, la connaissance de la langue arabe écrite fut beaucoup plus réduite en Algérie que dans les deux pays voisins.

1.3 Problèmes liés à l’arabisation
Dans les trois pays, des problèmes analogues furent posés par la mise en œuvre de la politique d’arabisation : certains sont linguistiques, d’autres sociaux et politiques, alors que d’autres, enfin, concernent l’identité nationale et la légitimité politique.
Du point de vue linguistique, la non-connaissance de la langue arabe écrite présentait un handicap, d’autant plus que sa place était occupée par une langue française performante pour le développement. La langue arabe, coupée du renouveau qu’elle connaissait en Orient, était demeurée à un stade archaïque, étrangère au contexte de la modernité. Elle était de plus dépourvue d’un environnement international scientifique et culturel porteur, les autres pays arabes ayant souvent recours à une langue étrangère, notamment l’anglais. Enfin la mise à l’écart, dans l’Administration et la pédagogie, des langues effectivement parlées par la population, privait au départ la langue arabe moderne du dynamisme de la langue parlée.
Du point de vue sociopolitique, langue arabe et langue française, opposées par l’arabisation, représentaient deux pôles d’attirance, l’un vers le changement, l’autre vers la tradition. Elles correspondaient à deux couches sociales en concurrence pour le contrôle de l’État, et remplissaient des fonctions sociales différentes : alors que la langue arabe était présentée comme la langue de l’authenticité, voire de la religion, la langue française incarnait simplement la réussite sociale, elle était « la langue du pain ».
Du point de vue de l’identité et de la légitimité, une contradiction surgissait entre les deux langues et leurs univers symboliques. L’arabe renvoyait à une identité nationale, liée à l’identité musulmane, et semblait plus apte à garantir la légitimité d’un pouvoir se définissant par son opposition au colonisateur qu’il avait affronté. La langue française, forte de son lien à la modernité malgré tout liée à la France, se présentait comme la caution d’un développement qui était l’un des objectifs de l’indépendance. Les pays dont l’identité nationale était évidente, comme la Tunisie et le Maroc, où l’indépendance avait pu apparaître comme la restauration d’une existence antérieure, dont le pouvoir bénéficiait d’une légitimité politique certaine et d’un pôle d’unité permettant de gérer ces tensions. En Algérie au contraire, où l’identité nationale ne trouvait de repère que dans l’opposition à la France et dans l’Islam, où la légitimité ne put être affirmée du fait des coups de force successifs qui minaient la crédibilité de l’État, la question de l’arabisation vit ses aspects concrets engloutis dans l’utilisation politique et le jeu permanent du pouvoir sur l’identité et le nationalisme : elle fut aussi beaucoup plus dramatique que dans les deux pays voisins.

2. État des langues par pays de l’indépendance à 1998

2.1 La Tunisie
La Tunisie a accédé à l’indépendance le 20 mars 1956, sous la direction de Habib Bourguiba. D’abord chef du gouvernement, il devint, à la suite de la déposition du bey en 1957, président de la République, jusqu’à sa déposition par Zine el Abidine Ben Ali, son premier ministre, le 7 novembre 1987.
Bourguiba parvint à cette position après des années d’une lutte anticoloniale qui l’avait rendu très populaire : il jouissait de ce fait d’une légitimité incontestée. La fondation de la République en 1957 consacra cette légitimité. Le leader la mit au service d’un nationalisme tunisien et d’un modernisme marqués. Sa position personnelle sur la langue était, d’une part, de maintenir le français comme langue d’ouverture, et de donner, d’autre part, toute sa place à la langue parlée par le peuple tunisien . Il était aussi d’une grande réserve vis-à-vis du monde arabe, avec lequel il fut souvent en conflit. Il lutta contre le traditionalisme de l’islam et de la société par des mesures audacieuses, notamment un code de statut personnel (Majallah) particulièrement novateur. La langue arabe, qu’il voulut moderne, était moins liée à l’identité religieuse qu’en d’autres pays, et ceci d’autant plus que le président, loin de limiter l’identité tunisienne à l’islam, y incluait les strates antérieures : romaine et punique. Son objectif était plus de « tunisifier » que d’arabiser .
Ainsi, la politique linguistique n’a pas engendré de grandes crises en Tunisie. L’arabisation a surtout concerné l’enseignement, car la langue arabe, à la différence de l’Algérie, n’avait jamais disparu de l’environnement social et culturel, du fait de la prestigieuse université la Zitouna et du collège Sadiki qui, dès le XIXe siècle, offrait, dans le cadre d’un enseignement en arabe, une large ouverture aux langues et aux disciplines modernes. Ce collège fournit à la Tunisie indépendante une élite bilingue arabo-française (dont Bourguiba lui-même), et représenta le modèle éducatif de la nation.
Dans l’histoire de la politique linguistique, trois périodes émergent, en relation avec l’influence prédominante de personnalités. Du temps de Bourguiba, il y a la période Messadi (1956-1968), puis la période Mzali (1969-1986), et pendant la présidence de Ben Ali, la période Charfi (1989-1994).
La période Messadi
Agrégé d’arabe, parfait bilingue, universitaire brillant, Mahmoud Messadi fut le troisième ministre de l’Education nationale, mais il en contrôla l’orientation de 1958 à 1968. Partisan convaincu du bilinguisme , il n’en sous-estimait pas les exigences. Il réalisa la première réforme de l’enseignement en 1958, en décidant que les deux premières années de l’enseignement primaire se feraient uniquement en arabe. En même temps, il fit rédiger des manuels d’arabe selon une pédagogie moderne. Cette réforme supprimait les écoles coraniques et rattachait l’université islamique de la Zitouna à l’Université de Tunis .
Cette impulsion première ne put se maintenir. Sur le plan extérieur, les ruptures de Bourguiba avec le monde arabe (à propos de la Palestine en 1965 , avec l’Égypte en 1966 ) entraînèrent une réserve vis-à-vis de l’arabisme. Une tendance socialiste se dessine avec Ahmed ben Salah, qui accorde la priorité au développement. Des difficultés surgissent dans l’enseignement. Ahmed ben Salah, déjà secrétaire d’État au plan et à l’économie, remplace Mahmoud Messadi à l’Éducation nationale en juillet 1968 : il y entreprend une réforme de l’enseignement, qui comporte le rétablissement du français dans les deux premières années de l’enseignement primaire .
La période Mzali
Originaire de Monastir comme Bourguiba, licencié en philosophie, ancien militant, il fut dès l’indépendance associé au pouvoir. Dans les instances du parti destourien, et à la revue arabe Al-Fikr qu’il dirigeait, il fut un partisan convaincu de l’arabisation , mais, à la différence de son homologue algérien Abdelhamid Mehri, sans hargne vis-à-vis de la langue française dont il reconnaissait l’utilité . Le 27 décembre 1969, il prend la place de Ahmed ben Salah au ministère de l’Éducation nationale. En mars 1970, il annonce l’arabisation de la première année du primaire (mesure qui sera appliquée à la rentrée 1971). Il est toutefois écarté de l’Éducation nationale en juin 1970, au profit de Chadli Ayari, bête noire des partisans de l’arabisation. Celui-ci, dont la devise serait : « Il ne suffit pas de parler arabe, il faut surtout penser tunisien », sera durant une année l’objet des attaques des arabisants (dont Mzali), ce qui le conduit à démissionner de son poste en octobre 1971 : Mzali sera à nouveau ministre de l’Éducation nationale de 1971 à 1973, puis de 1976 à 1980, date à laquelle il sera nommé premier ministre. La seconde année primaire sera arabisée à la rentrée de 1976, la troisième à la rentrée de 1977. La nomination à son poste de Driss Guiga mettra un frein à son action de 1973 à 1976, mais sans effet durable. À partir de 1977, l’arabisation de l’enseignement des sciences au secondaire, et celle des sciences humaines au niveau supérieur, sont mises en route, après celle de la médecine et de la philosophie en 1976. Toutes ces mesures sont prises dans un climat de controverses, mais le courant favorable à l’arabisation l’emporte. Il est appuyé à l’intérieur par un courant destourien réuni autour de Mzali, et à l’extérieur, il bénéficie de la pression des États arabes (notamment l’Arabie saoudite) qui apportent une aide financière à l’État. Cette pression va s’accentuer au début de 1979 quand, à la suite des accords de Camp David, le siège de la Ligue arabe sera déplacé du Caire à Tunis, et qu’un Tunisien, Chadli Klibi, en deviendra le secrétaire général (juin 1979).
Nommé premier ministre en avril 1980, Mohamed Mzali aura moins de poids sur l’Éducation nationale. Le pouvoir tunisien doit faire face à un courant islamiste , conduit par Rached Ghannouchi. Un accord conclu avec la France en 1983 permet la transmission à Tunis d’une chaîne francophone. Les critiques contre la dégradation de l’enseignement se multiplient dans le pays, mettant en cause la politique d’arabisation : critiques reprises par le président Bourguiba le 1er juillet 1986 : il dénonce la mauvaise qualité de l’enseignement et en annonce la réforme. Celle-ci se traduit, à la rentrée, par la reprise de l’enseignement du français à l’école primaire dès la seconde année (au lieu de la quatrième année). Le 8 juillet de la même année, le premier ministre Mzali est démis de ses fonctions. On avait pu observer la montée de Zine el Abidine Ben Ali : officier formé à Saint-Cyr, qui est directeur de la Sûreté nationale en février 1984. Premier ministre en octobre 1987, il dépose le président Bourguiba le 7 novembre et devient président de la République tunisienne.
La période Charfi
Le nouveau président s’attache dans un premier temps à une remise en route de la démocratie en Tunisie, démocratie qui avait été affaiblie au cours des dernières années de Bourguiba. Il accorde la liberté de presse, reconnaît la Ligue des droits de l’Homme, établit le multipartisme et reprend en main le parti unique destourien. Il met un terme à la répression anti-islamiste, et adopte quelques mesures favorables à l’islam pour désamorcer la pression islamiste.
Le 11 avril 1989, il confie l’Éducation nationale à Mohamed Charfi. Celui-ci, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, est un démocrate convaincu, qui, dans son action, sera constamment en butte aux attaques des islamistes . Il prend le relais des réformes préparées par ses prédécesseurs , et les accentue dans une grande réforme consacrée par la loi du 29 juillet 1991 , réorganisant les enseignements primaire et secondaire. L’ensemble se compose d’un enseignement de base de 9 ans, et d’un enseignement secondaire de 4 ans, aboutissant au baccalauréat. M. Charfi établit une arabisation ouverte, et toutes les matières sont enseignées en arabe dans la formation de base. Mais il renouvelle, en le développant, l’enseignement du français. En arabe comme en français, il lutte contre l’archaïsme des méthodes. Il fait rédiger de nouveaux manuels, notamment d’éducation civique et d’histoire, qui diffusent des valeurs de tolérance, d’égalité des sexes, de place de la femme dans la société, aux antipodes des conceptions diffusées durant les « années Mzali ». Il institue des structures de mise à niveau pour les enseignants. Pour ces raisons, il est fortement combattu par les islamistes, qui organisent des troubles dans les universités. Pour faire face à cette crise, le 14 mai 1991, le président Ben Ali charge un dirigeant de l’opposition, Mohamed Moada, de présider une commission chargée de trouver une solution à cette crise . Mohamed Charfi quittera son ministère le 30 mai 1994.
Le 23 juillet 2002 a été promulguée une loi d'orientation de l'éducation et de l'enseignement scolaire, destinée à remplacer la loi de juillet 1991. Son article 9 précise : "L'école est appelée essentiellement à donner aux élèves les moyens :
-de maîtriser la langue arabe en sa qualité de langue nationale,
-de maîtriser deux langues étrangères au moins."
La Tunisie s’est rapprochée de la francophonie, le premier ministre Karoui assistant au sommet de Cotonou en 1995. Une coopération s’établit dans le cadre d’associations euro-méditerranéennes (juin 1996), de télévision. Toutefois la réforme envisagée par M. Charfi et ses successeurs n’a sans doute pas tous les moyens de sa réussite. L’un des problèmes posés est le hiatus entre l’enseignement des sciences en arabe au secondaire, et en français au niveau supérieur. La dernière réforme tente d'y remédier par un multilinguisme généralisé. Le problème des débouchés des diplômés de l’université, et la question de l’analphabétisme représentent des handicaps importants sur le chemin du développement et de l’intégration en cours à l’Union européenne.

2.2 Le Maroc
Pour la grande majorité des Marocains, l’indépendance a coïncidé avec le retour d’exil, le 16 novembre 1955, du roi Mohamed V, chassé par la France deux ans auparavant, et revenu avec l’auréole du résistant. L’indépendance officielle date du 2 mars 1956. C’est dire si l’institution monarchique bénéficiait d’une forte légitimité politique, ancrée dans l’islam et l’histoire incarnés par la monarchie, et engagée dans la lutte pour la libération du pays. Cette légitimité fut transmise au roi Hassan II, quand il succéda à son père le 3 mars 1961.
Toutefois, la lutte pour l’indépendance avait été conduite principalement par le parti de l’Istiqlal (« indépendance », en arabe), sous la conduite d’Allal el Fassi. À ce titre, ce parti tentait, dès 1956, de contester la place de la monarchie en proposant une assemblée constituante. Celle-ci fut refusée par le roi, mais, tout en admettant l’état de fait, ce parti contestait activement, sur le terrain et par l’action de ses militants, l’autorité de l’institution monarchique . Il fut ainsi amené à pratiquer une surenchère nationaliste et islamique par rapport au Palais. Sur le terrain linguistique, l’Istiqlal ne cessa de revendiquer l’arabisation : position souvent démagogique, puisque les élites de l’Istiqlal, suivant l’exemple de leur leader Allal el Fassi, plaçaient leurs enfants dans les établissements de la Mission culturelle française au Maroc. L’histoire de l’arabisation au Maroc consiste essentiellement en cet affrontement politique, entraînant des conséquences sur la structure de l’enseignement principalement.
Plus encore que la Tunisie, le Maroc était resté, durant le Protectorat, bien enraciné dans la langue et la culture arabes : l’université Qarawiyine de Fès bénéficiait d’un grand prestige, et toutes les grandes familles, même occidentalisées, se faisaient un honneur de participer de la culture arabe . Si cette tradition était plus ancrée dans les villes comme Fès, Rabat, Meknès, elle était partagée aussi dans l’ensemble du pays, y compris dans les contrées berbérophones, par le biais de l’attachement à la religion et à la culture musulmanes. Il n’y eut donc pas, comme en Algérie, de réel problème d’identité nationale rattaché à la langue.
Après un premier échec de Mohamed el Fassi (1956-1958), il y eut une phase d’arabisation (1959-1966), gérée par l’Istiqlal, suivie d’une pause à partir de 1966. Après la mort de Allal el Fassi en 1974, la pression de l’Istiqlal fut moins forte, mais la question du Sahara imposa, à partir de la marche verte de 1975, un consensus national, à l’ombre duquel une nouvelle vague d’arabisation, menée par Azzeddine Laraki, aboutit, en 1994, à une situation fortement dégradée de l’enseignement, attribuée à la politique d’arabisation : d’où une réticence à l’égard de celle-ci à partir de cette date.
Le faux pas de Mohamed el Fassi
À la rentrée de 1957, le ministre de l’Éducation nationale Mohamed el Fassi décide d’arabiser le cours préparatoire . Cette mesure improvisée aboutit à un échec retentissant, dû principalement au manque de cadres : son auteur quitte le ministère en mars 1958, en ayant fortement disqualifié l’entreprise. Dix ans plus tard, élu président du Congrès de l’AUPELF , il dira : « Il faudra très longtemps à la langue arabe pour devenir un instrument de communication international … »
La première vague d’arabisation
À la suite de cet échec, une commission royale est constituée : colloques et rapports se succèdent. En octobre 1959, le ministre de l’Éducation nationale, Abdelkrim Benjelloun, définit la doctrine officielle en matière d’enseignement selon quatre points : unification, arabisation, généralisation, marocanisation. Dès l’année suivante, il crée un Institut d’arabisation, dont il confie la direction au professeur Lakhdar-Ghazal . L’Istiqlal engage de son côté une campagne d’arabisation des fonctionnaires. En 1962, le Conseil supérieur de l’Éducation nationale recommande de tout arabiser. L’arabisation est mise en place en 1962, à partir de la première année du primaire. Une Semaine de l’arabisation au Maroc est organisée officiellement du 3 au 9 janvier 1963 . Le colloque sur l’enseignement à Camp des Chênes du 13 au 30 avril 1964 recommande d’arabiser le primaire en trois ans, et le secondaire en sept ans. La recommandation n’est pas appliquée au secondaire, mais la seconde année est arabisée à la rentrée de 1963, la troisième en 1964, la quatrième en 1965 : tout le primaire devrait être arabisé à la rentrée de 1966.
La pause de l’arabisation
Le ministre de l’Éducation, Mohamed Benhima, qui applique ces mesures depuis 1965, doit constater l’incapacité du ministère à faire face à l’afflux d’élèves à la suite de la généralisation de l’enseignement. En 1965, par circulaire, il réglemente l’accès des élèves à l’enseignement secondaire. Cette mesure déclenche de graves émeutes à Casablanca en mars . Il fait machine arrière, mais tombe sur un autre écueil. L’année suivante, devant la persistance des problèmes, le ministre déclare, lors d’une conférence de presse, le 6 avril 1966, que le niveau de l’enseignement est compromis par une arabisation hâtive, par la généralisation de l’enseignement et par la marocanisation. Il suggère de revenir à l’enseignement scientifique en français, et d’instituer une sélection à l’entrée du secondaire. Il constate que l’arabisation totale de l’enseignement primaire conduit à une impasse, puisqu’il sera impossible pendant de longues années d’enseigner les disciplines scientifiques en arabe.
Cette déclaration souleva une tempête de protestations , notamment de l’Istiqlal. Une grande consultation sur les problèmes de l’enseignement fut engagée par le roi. La politique préconisée par le docteur Benhima fut sans doute appliquée, puisque, en 1967, des journaux se plaignaient du revirement en matière d’arabisation et du retour à l’enseignement des sciences en langue française. De son successeur à l’Éducation nationale, Abdelhadi Boutaleb, en mai 1967, on attendait la fin de la pause de l’arabisation. Mais celle-ci était peu probable, le docteur Benhima étant promu au poste de premier ministre en juillet de la même année.
Si en octobre 1968, une grande opération « écoles coraniques » (se substituant plus ou moins à l’enseignement préscolaire, entre 5 et 7 ans), fut lancée par le Palais, en octobre 1971, une réforme intégra les écoles primaires de l’enseignement religieux et arabisé au corps des écoles primaires modernes, mesure interprétée comme allant à rebours de l’arabisation. En janvier 1973, l’Istiqlal organisa une grande campagne de pétitions à travers tout le pays, ces pétitions étant largement répercutées dans la presse du parti (L’Opinion et Al-Alam) pour réclamer l’arabisation . Mais c’était le chant du cygne de l’Istiqlal : son leader Allal el Fassi décédait le 15 mai 1974, et avec lui disparaissait la capacité de son parti d’influencer fortement le pouvoir. D’autre part, à partir de la « marche verte » en novembre 1975, la question du Sahara allait devenir prédominante, et imposer l’union nationale. Elle allait d’autre part contraindre le Maroc à rechercher l’aide politique et financière des pays arabes, ce qui nécessitait quelques contreparties du côté de l’arabisation. Le 22 septembre 1976, le ministre Bouamoud estimait nécessaire « une remise en question de tout le système scolaire ».
Azzeddine Laraki et la reprise de l’arabisation
Le 10 octobre 1977 est nommé un gouvernement d’union nationale, présidé par Ahmed Osman, dans lequel Azzeddine Laraki est ministre de l’Éducation nationale. Il restera à ce poste jusqu’en novembre 1984, date à laquelle il sera nommé premier ministre. Son action y est favorable à l’arabisation, à laquelle il dit que les Marocains sont « condamnés ». En 1985, est mise en place une importante réforme de l’enseignement, comportant notamment l’arabisation de l’enseignement primaire et secondaire . La sortie, en juin 1990, des premiers bacheliers arabisés révélera le résultat de l’action entreprise .
C’est à cette époque que le syndicat étudiant, l’UNEM, interdit depuis 1973, voit, en 1978, lever cette interdiction. Ce syndicat, autrefois progressiste, ne tarde pas à tomber aux mains des islamistes et à devenir le fer de lance de leur contestation dans les universités. La dissolution, en janvier 1990, de l’association islamiste Adl wa Ihsan, dirigée par cheikh Yassine, marque le début d’une longue période d’affrontements avec les islamistes et leur mainmise progressive sur l’ensemble des universités . En juillet 1992, une Université privée anglophone est inaugurée par le roi à Ifrane : elle a été créée avec des fonds saoudiens (primitivement destinés à parer aux dégâts redoutés d’une marée noire…) et gérée par une coopération américaine : elle se nomme université Al-Akhawayn (Université des deux frères : Hassan II et Fahd d’Arabie) .
La crise de l’enseignement se poursuit
Le juin 1994, une lettre du roi Hassan II au Parlement dénonce les insuffisance de l’enseignement et la nécessité d’y apporter des réformes. Malgré des investissements considérables, le taux d’analphabétisme demeure important (55 %). Le 20 août, le roi recommande l’enseignement du berbère. Le 9 juillet 1995, il s’élève contre la gratuité de l’enseignement supérieur et l’arabisation systématique . C’est cette même année que débute le mouvement des diplômés chômeurs, qui va durer plusieurs années : une bonne partie d’entre eux seraient formés en arabe. Sous la pression islamiste, le Maroc se tourne de plus en plus vers l’Occident. En mai 1996, une visite du ministre français de l’Éducation nationale est liée à la rénovation de l’enseignement, et à l’établissement de réseaux d’universités euro-méditerranéennes. Un baccalauréat international, à option française, est institué. En février 1996, un sondage publié par la revue Chou’oun Maghribia indique que les élites marocaines sont favorables à 80 % à l’intégration dans l’Union européenne. Enfin, en mars 1997, le bilinguisme devient obligatoire pour les inscriptions dans les disciplines universitaires. En octobre, est créé un réseau informatique qui relie les universités de 16 villes marocaines à des réseaux européens. En février 1997, M. Boucetta, secrétaire général de l’Istiqlal, peut bien défendre l’arabisation et demander son extension à l’enseignement supérieur : ses propos sont jugés électoralistes, et une partie de la presse impute à l’Istiqlal la faillite de l’enseignement entraînée par le processus d’arabisation du primaire et du secondaire commencé au début des années 1980 .
C’est de cette situation, dans le cadre de l’alternance, qu’hérite le premier ministre Abderrahim Youssoufi, en février 1998. Il met en place, le 8 mars 1999, une Commission éducation-formation, chargée de proposer un projet de réforme de l’enseignement. L’une des difficultés réside, comme en Tunisie, dans le hiatus séparant un enseignement secondaire arabisé d’un enseignement supérieur donné en langue française ou anglaise.
Le roi Hassan II s’était beaucoup investi dans le maintien d’un certain équilibre au sein des options linguistiques. À la suite de son décès le 16 juillet 1999, l'avènement de son fils Mohamed VI a suscité des espoirs de libéralisation, qui se sont concrétisés dans le domaine de l'enseignement et des langues. A la suite du manifeste de Bouznika (mai 2000), le nouveau roi a annoncé en juillet 2001 la création de l'IRCAM (Institut Royal pour la Culture Amazigh) qui dépend directement du Palais et représente une reconnaissance officielle de la culture berbère. Dans le sillage du rapport de la COSEF (Commission spéciale pour l'éducation et la formation), une réforme de l'enseignement est mise en place à tous les niveaux. Cette réforme a été officialisée par la déclaration de politique générale du gouvernement devant les deux Chambres en novembre 2002.

2.3. L’Algérie
L’Algérie en tant que nation indépendante depuis le 5 juillet 1962 souffre d’un grave problème d’identité. Alors que les deux pays voisins avaient pu conserver des repères d’identité (beylicat et sultanat), ce pays a vu ces repères gommés par la colonisation : ni le souvenir du falot dey d’Alger, ni l’épopée brillante, mais vaine d’Abdelkader ne représentaient d’ancrage fort dans l’histoire à une entité réduite à l’état de départements français. Le nom même d’Algériens était annexé par les colons. Le seul repère, nominal et réel, des Algériens fut de se considérer comme musulmans. L’importance du lien de l’islam à la langue arabe pouvait déjà faire augurer de l’importance qu’y prendrait la question de l’arabisation.
Cette société n’eut pas l’occasion de se prononcer sur elle-même comme cela était prévu par les accords d’Évian en 1962 : des coups de force militaires placèrent Ben Bella, puis Boumediene au pouvoir. La présidence de Chadli Bendjedid a été interrompue par le coup de force que fut l'interruption du processus électoral de janvier 1992 qui allait conduire les islamistes au pouvoir. Le 15 avril 1999, Abdelaziz Bouteflika s'est retrouvé candidat unique, ses concurrents s'étant retirés à la veille de l'élection pour protester contre les irrégularités du scrutin. En dépit d’élections de façade, c’est toujours l’armée qui gouverne l’Algérie. De ce fait, le pouvoir est en carence de légitimité, ce qui ne lui permet pas de représenter le pôle d’unité qu’il devrait être dans un pays marqué par de grandes différences ethniques, linguistiques, régionales, sociales et idéologiques. Cela le conduit à rechercher cette légitimité dans des pratiques démagogiques flattant le nationalisme et l’islamisme.
L’Algérie a trouvé une relative unité dans son opposition à la France. Pour ambivalente qu’elle soit, cette opposition est constitutive dans la mesure où la nation moderne a été forgée dans le moule politique, administratif et culturel français. La place importante de la langue française à divers niveaux de la société en est une marque à laquelle s’applique aussi cette ambivalence.
Le pays est donc traversé par une grande tension entre l’entité arabo-islamique et l’entité occidentale, divisant groupes et individus. Elle aboutit sur le terrain à des oppositions sociales, la langue (française ou arabe) devenant alors un enjeu dans les luttes pour le niveau de vie et le pouvoir. La situation linguistique y est compliquée par la dualité entre langue arabe écrite et langues parlées (arabes et berbères) qui, laissées de côté, voire combattues par le pouvoir, deviennent, par leur statut, le symbole d’un mépris de l’être algérien, autrefois par les colons, puis par les tenants du pouvoir. Dans les dernières années un certain assouplissement de cette tension s'est réalisé dans le domaine des langues, dans la mesure où la langue française tend à être réintégrée dans l'enseignement, et où le berbère a été enfin reconnu comme langue nationale de l'Algérie. La tension entre deux blocs idéologiques ne s'est toutefois pas réduite comme cela apparaît dans la question de la réforme de l'enseignement ou celle du code de la famille.
L’évolution de la situation linguistique est ainsi profondément imbriquée dans la vie de l’Algérie depuis l’indépendance. La colonne vertébrale en est la politique suivie dans l’enseignement, mais elle concerne tout aussi bien l’Administration, l’environnement et le contexte politique. Après une première phase d’effervescence sous Ben Bella (1962 1965), l’arabisation va connaître trois rythmes sous Boumediene, marqués par les noms de Taleb-Ibrahimi (1965-1970), d’Abdelhamid Mehri (1970-1977) et de Mostefa Lacheraf (1977-1979). Sous la présidence de Chadli, une phase sera marquée par le retour des « barbe-FLN » (1979-1984), puis par la vague islamiste (1985-1998). A partir de 1999, la présidence de Bouteflika conduit à de nouvelles orientations.
Ben Bella, ou l’arabisation effervescente (1962-1965)
Pour faire sa marque sur le plan politique, Ben Bella avait, dès sa libération en 1962, choisi la référence arabe, en opposition avec les négociateurs des accords d’Évian. Dès octobre 1962, il annonce l’enseignement de l’arabe dans les écoles : ce qui sera fait à la rentrée de 1963 (dix heures d’arabe sur 30 heures par semaine), puis en 1964, l’arabisation totale de la première année du primaire. Cette même rentrée voit arriver 1 000 instituteurs et institutrices égyptiens : car l’Algérie n’a pratiquement, en dehors des élèves issus des écoles coraniques, pas d’enseignants susceptibles d’enseigner cette langue. Cette arabisation improvisée se fait sans formation pédagogique, celle des enseignants orientaux étant plus que problématique (la plupart étaient des artisans dans leur pays ), et leur langue (égyptienne) leur rendant la communication avec leurs élèves arabes et surtout berbères difficile, voire impossible,. Dans le contexte algérien, leur fonction en fait des maîtres en religion, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. À l’Université d’Alger, un Institut islamique est créé et l’ancienne licence d’arabe transformée en licence unilingue sur le modèle oriental.
Parallèlement, une forte pression est exercée par les successeurs des réformistes des années 1930, menés par Tewfik el Madani, ministre des affaires religieuses, appelant le peuple algérien à l’Islam et à la langue arabe . Ils créent dans le pays, avec l’appui du pouvoir, des Instituts islamiques, pour former des propagateurs de leur idéologie, qui encadreront par la suite l’enseignement arabisé. Leur pression est telle que Ben Bella, dans le climat des controverses suscitées par la question, est amené à dire que « l’arabisation n’est pas l’islamisation ». Si l’Assemblée intègre l’arabe dans ses travaux , une résistance importante à fondement libéral et laïque se manifeste entendre par la voix des étudiants , des Kabyles , des écrivains (Kateb Yacine, Mourad Bourboune, Assia Djebar) et de la presse francophone. Une arabisation radicale représente une pure utopie pour l’élite francophone. Cette période prend fin avec le coup d’État du 19 juin 1965, qui place Boumediene au pouvoir.
Taleb-Ibrahimi et l’arabisation idéologique (1965- 1970)
Sous l’impulsion du ministre de l’Éducation nationale Ahmed Taleb-Ibrahimi, descendant d’un réformiste connu , l’arabisation est utilisée pour légitimer un régime impopulaire, en étant présentée comme la face culturelle de l’indépendance. Le ministre fixe les impératifs de l’enseignement : démocratisation, arabisation, orientation scientifique. Mais la mise en place continue : arabisation de la deuxième année du primaire à la rentrée de 1967 , création d’une section arabe à la faculté de droit en 1968 et d’une licence d’histoire en arabe . Le 5 décembre 1969, est créée une Commission nationale de réforme, chargée de préparer un projet de réforme du système éducatif : elle comporte une sous-commission de l’arabisation, présidée par Abdelhamid Mehri.
Le 26 avril 1968, une ordonnance rend obligatoire pour les fonctionnaires et assimilés la connaissance de la langue nationale, à partir du 1er janvier 1971. Les fonctionnaires en place doivent acquérir pour cette date la connaissance de cette langue, et les nouveaux recrutements à cette date se feront sur cette base. Par ailleurs, les actualités dans les cinémas sont arabisées (en arabe moderne) en octobre 1967 .
Des réserves sur cette politique sont exprimées en divers lieux: chez les magistrats , dans la presse . Selon une enquête menée à cette époque par l’Université de Berkeley , 80 % des jeunes gens interrogés sont hostiles à l’arabisation de l’enseignement universitaire. En 1969, un groupe d’enseignants algériens demande, dans une lettre publiée dans un hebdomadaire, l’utilisation de l’arabe dialectal dans l’enseignement . En 1970, un article de Mohamed Seddik Benyahia, ministre de l’Information, va jusqu’à évoquer, à propos de cette question, « la trahison des clercs ».
Mehri et l’arabisation systématique (1970-1977)
Le remaniement ministériel du 21 juillet 1970 substitue au domaine de Taleb-Ibrahimi trois ministères : l’Enseignement primaire et secondaire (Abdelkrim Benmahmoud), l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique (Mohamed Seddik Benyahia), et l’Enseignement originel et les Affaires religieuses (Mouloud Qasim). L’agent actif de l’arabisation sera Abdelhamid Mehri, secrétaire général de l’Enseignement primaire et secondaire. Il se heurtera toutefois à la barrière établie au niveau de l’Enseignement supérieur par le ministre Benyahia. Avec l’appui des arabisants réformistes ou baathistes du FLN, il manifestera une grande obstination à contourner les résistances pour mettre les Algériens devant le fait accompli d’un enseignement primaire et secondaire entièrement arabisé, et ayant de ce fait des retombées sur l’enseignement supérieur .
L’année 1971, année d’application de la réforme administrative décrétée en 1968, avait été déclarée en janvier « année de l’arabisation ». Mais plusieurs faits allaient en détourner l’attention. En janvier l’agitation des étudiants conduit à la dissolution de leur syndicat, l’UNEA, et à l’arrestation d’un grand nombre d’entre eux . Le 24 février, un nouveau front est ouvert avec la nationalisation des compagnies pétrolières et la tension internationale qui la suit. Enfin, le 8 novembre, est publiée l’Ordonnance « portant révolution agraire » pour la réalisation de laquelle le pouvoir allait devoir s’appuyer sur les éléments progressistes de la société, hostiles aux arabisants .
En attendant, l’arabisation continue. En avril 1971, un colloque des cadres de l’Éducation aboutit aux décisions suivantes : arabisation totale des 3e et 4e années primaires, arabisation d’un tiers de l’enseignement moyen et d’un tiers du secondaire. Mais un décret du même ministère dispensera les hauts fonctionnaires de la connaissance de la langue arabe . Au ministère de la Justice, un décret du 27 juin 1971 impose l’arabisation. À la rentrée universitaire de 1973, est supprimée la chaire de berbère tenue à l’Université d’Alger par Mouloud Mammeri.
Abdelhamid Mehri expose son programme dans un article du Monde diplomatique de janvier 1972, sous le titre « La langue arabe reprend sa place ». Le 6 novembre 1973, une Commission nationale d’arabisation est instituée au sein du parti du FLN et présidée par Abdelkader Hadjar. Cette commission présentera en décembre 1974 un rapport sur l’état de l’arabisation. A. Mehri y traitera du bilinguisme, du rapport arabe classique-arabe dialectal et du caractère non naturel du fait linguistique en Algérie.
Toutefois, la tension créée dans le pays par la mise en oeuvre de la révolution agraire s’ajoute aux controverses suscitées par l’arabisation. Celles-ci aboutissent à des heurts entre étudiants, parfois violents comme en mai 1975, à Alger et à Constantine. Ces tensions sont aggravées par la tenue, du 14 au 17 mai, d’une Conférence nationale sur l’arabisation , inaugurée par un discours important du président Boumediene . Elle est suivie d’une Conférence nationale sur la jeunesse (19-22 mai). La pression arabisante, s’exerçant dans un sens hostile à la révolution agraire, entraînera le 16 avril 1976 une Ordonnance décrétant la suppression de l’enseignement religieux et privé ; dirigée en apparence contre les établissements étrangers, cette mesure vise en réalité les foyers d’endoctrinement islamique que représentait l’Enseignement originel.
Cette année 1976 est animée par les discussions publiques proposées sur le projet de Charte nationale . Mais l’arabisation de l’environnement est poursuivie : arabisation de l’état-civil , des noms de rues, des plaques d’immatriculation. Le vendredi est déclaré jour de repos hebdomadaire, à la place du dimanche . Le 10 décembre Houari Boumediene candidat unique à la présidence, est élu à 99 % des voix : le pouvoir est apparemment à son sommet.
Lacheraf et la pause de l’arabisation
En avril 1977, à l’occasion d’un remaniement ministériel, Mostefa Lacheraf est nommé ministre de l’Éducation, et Abdellatif Rahal ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ces nominations marquent une véritable pause de l’arabisation. Les raisons qui poussèrent Boumediene à ce revirement ne furent pas explicitées. Il fut sans doute sensible aux tensions provoquées à propos de la révolution agraire et de l’arabisation, et désireux de faire prévaloir l’aspect progressiste de son action. Il semble par ailleurs que des rapports inquiétants sur la situation de l’enseignement lui soient parvenus. Il est sans doute informé de la gravité de la maladie qui l’emportera fin 1978, et désireux de consolider son oeuvre.
À peine installé au ministère, Lacheraf limoge Mehri et toute son équipe de hauts fonctionnaires. Ils iront se réfugier au parti du FLN où ils constitueront un groupe de pression redoutable. Il se défait des professeurs irakiens que Mehri avait en réserve pour arabiser l’enseignement supérieur. Il reprend la formation d’enseignants bilingues et rétablit une section « lettres bilingues » alors que toutes les sections littéraires avaient été arabisées. De son côté, Abdellatif Rahal insistera à plusieurs reprises sur les inconvénients que présente une arabisation de l’enseignement supérieur, dans un pays où l’emploi est fortement lié à la langue française, et anglaise éventuellement.
Cette pause sera de courte durée. Lacheraf se livre à des polémiques maladroites , il se heurte aux intrigues du clan arabisant fort puissant dans l’Éducation nationale et représenté au Conseil des ministres par Taleb-Ibrahimi. Celui-ci se verra rappeler par Lacheraf que, étant à sa place, il avait, dans l’un des conseils des ministres des années 1960, dit à propos de l’arabisation : « Cela ne marchera pas, mais il faut la faire! »
Malade, Boumediene n’aura plus l’énergie de le soutenir, et sa mort, le 27 décembre 1978, met un terme à cette pause de l’arabisation.
Le retour des « barbe-FLN » (1979-1984)
Les Algériens nomment « barbe-FLN » les officiels du FLN de la tendance arabisante, réticente vis-à-vis de la révolution agraire, qui se rapprochèrent du courant islamiste montant, en espérant bénéficier de son dynamisme tout en conservant les avantages de leur position au sein du parti. C’est parmi eux que se comptaient les partisans les plus acharnés de l’arabisation à tout prix et de l’instauration d’une société islamique.
Le colonel Chadli Bendjedid, mis en place par ses pairs à la tête de l’État, pratiqua une politique habile qui tendait à consolider son pouvoir personnel. La corruption qui éclata sous son régime, la montée de l’islamisme et, à partir de 1986, la chute des prix du pétrole, affaiblirent sa position et le conduisirent à pactiser avec les islamistes et à les utiliser pour conserver son pouvoir sans la hiérarchie militaire : ces manœuvres sont probablement à l’origine de sa démission forcée en janvier 1992. L’interruption du processus électoral en janvier 1992 amènera la présidence de Mohamed Boudiaf; son assassinat en juin de la même année, en fera un bref intermède dans la politique du pays et n’en changera pas fondamentalement l’évolution.
Les conditions difficiles de l’accession de Chadli Bendjedid à la présidence redonnèrent du pouvoir au Comité Central du FLN. Dans le gouvernement constitué en mars 1979, le ministre de l’Éducation est Mohamed Kharroubi, celui de l’Enseignement supérieur Abdelhaq Bererhi : le premier est un acharné de l’arabisation alors que le second n’est plus à même d’en protéger l’enseignement supérieur. Au FLN, la présidence de la Commission de l’Éducation, de la Formation et de la Culture, d’abord assurée par Benhamouda, revient en janvier 1980 à Taleb-Ibrahimi : dès février, celui-ci annoncera un plan national d’arabisation de l’Administration, du secteur économique et de la recherche scientifique .
La pression sur l’arabisation avait été relancée dès novembre1979 par la grève des étudiants arabisants : ceux-ci, ne trouvant pas d’emploi au terme de leurs études, exigeaient l’application immédiate de l’arabisation de l’Administration . La grève se termine en 1980, avec la notification des décisions du Comité central préparant une relance de l’arabisation . Cette grève coïncide avec des émeutes en Kabylie, provoquées par l’interdiction d’une conférence de Mouloud Mammeri à Tizi-Ouzou sur la poésie kabyle : d’importantes manifestations, suivies de répression, ont lieu en faveur de la langue et de la culture berbères.
Le 14 septembre 1980 est pris un arrêté « portant arabisation de la 1re année des sciences sociales, politiques, juridiques et économiques » applicable dès cette année. Une assemblée générale des enseignants francisants demande un report de la rentrée universitaire. Durant l’été, le FLN a poursuivi sa réorganisation en 5 commissions permanentes : l’une est « Information, culture et formation » : le président en est Abdelhamid Mehri. En décembre, le Comité central fait obligation aux cadres des organisations de masse et des assemblées élues d’adhérer au FLN à partir du 1er janvier 1981 (c’est le fameux article 120, qui consacre la mainmise du parti sur la société). Le même mois est installé un Haut Conseil de la langue nationale, chargé du suivi et du contrôle de l’arabisation . L’agitation du parti autour de cette question se poursuit durant toute l’année 1982, sur fond d’affrontements dans les universités, provoqués par des étudiants islamistes ou berbéristes.
La campagne d’arabisation est couronnée le 22 mai 1984 par l’adoption par l’Assemblée nationale d’un Code de la famille , sous la pression des « barbe-FLN » qui y voient l’application de la loi musulmane – appliquée principalement au détriment des femmes – et une occasion de s’attirer les faveurs des islamistes (et des machistes par la même occasion).
Durant ce même mois de mai, l’action d’Abdelhamid Mehri trouve son couronnement : il est nommé ambassadeur à Paris. Cette nomination l’éloigne d’un terrain où l'arabisation semble avoir atteint ses limites..
La vague islamiste (1985-1998)
L’opposition violente d’islamistes conduits par Mustafa Bouyali se manifeste entre 1982 et 1987, mais un mouvement islamiste plus légaliste se constitue peu à peu et aboutira au Front islamique du salut (FIS) reconnu en 1989. Ce mouvement saura récupérer la révolte étudiante d’octobre 1988. Il emportera les élections communales de 1990, et les législatives de décembre 1991, dont le second tour sera annulé.
L’arabisation de l’enseignement se poursuit. En septembre 1988, le président Chadli interdit aux élèves algériens la fréquentation des établissements de la mission culturelle française : il prive ainsi l’élite algérienne de la seule possibilité qu’il lui restait de faire échapper ses enfants à l’arabisation. Par ailleurs une tentative est faite par le lobby de l’arabisation pour diminuer la place de la langue française en lui substituant la langue anglaise en option à la quatrième année du primaire .
Dans ce climat de déliquescence du pouvoir central, ce n’est plus l’arabisation qui prime, mais l’islamisation, la première n’étant plus qu’un adjuvant de la seconde. L’imprégnation religieuse l’avait déjà largement emporté dans l’enseignement. Celui-ci entre dans une phase de dégradation importante à partir de 1986, avec la diminution des ressources de l’État : manque de moyens de documentation et arabisation contribuent à l’effondrement de l’enseignement supérieur arabisé. Les émeutes d’octobre 1988 conduisent à une libéralisation du régime, la constitution de février 1989 instaure le multipartisme, l’abandon des références au socialisme (l’abolition de la révolution agraire le 5 novembre 1990). De ce contexte, profite surtout le mouvement islamiste (FIS) pour gagner les élections communales en juin 1990, puis les législatives en décembre 1991.
L’Assemblée nationale populaire, à majorité « barbe-FIS » a voté en décembre 1990 une loi de généralisation de l’utilisation de l’arabe, rendant obligatoire l’emploi de cette langue à partir du 5 juillet 1992. Cette mesure sera reportée suite à l’épisode Boudiaf (janvier-juin 1992), pour être relancée en décembre 1996 , pour une application le 5 juillet 1998, qui s’est faite dans l’indifférence générale. Sous la pression islamiste, le noyau « barbe-FIS » s’est replié, mais il est toujours là, oriente la politique du président Liamine Zeroual qui, dans l’espoir de rallier les populations attirées par les islamistes, met en oeuvre les mesures qu’ils auraient prises s’ils étaient parvenus à leurs fins : l’arabisation-islamisation en est un élément capital. Au-delà des enjeux politiques et idéologiques, la réforme nécessaire du système éducatif devra susciter une nouvelle réflexion et de nouvelles décisions sur la place respective des langues utilisées en Algérie. Mais celles-ci restent conditionnées par la redéfinition du pouvoir politique .

La période Bouteflika (à partir de 1999)
Élu président le 15 avril 1999 à la suite de la démission de Liamine Zeroual, Abdelaziz Bouteflika est placé entre des forces contradictoires, soutenu à la fois par l’armée et les francophones, et par les islamistes sensibles à ses appels à la concorde civile. Sur le plan linguistique, il prononça un discours d’intronisation en un arabe classique recherché, pour démontrer, semble-t-il, qu’il possédait parfaitement cette langue, et qu’elle n’était pas comprise de l’ensemble de la population. Ses interventions ultérieures se firent en français ou en arabe parlé. Il montrait par là qu’il ne s’appliquait pas à lui-même la loi de généralisation de l’usage de la langue arabe précédemment décrétée. Il affirma à plusieurs reprises une position nuancée dans le domaine des langues, notamment lors de la Journée de l’étudiant, le 19 mai 1999 : « Il est impensable d’étudier des sciences exactes pendant dix ans en arabe alors qu’elles peuvent l’être en un an en anglais . » Il exprime un point de vue réaliste sur la politique linguistique suivie : « Il n’y a jamais eu de problème linguistique en Algérie, juste une rivalité et des luttes pour prendre la place des cadres formés en français . » Par contre, sa position réservée vis-à-vis du berbère fait problème : aux Kabyles, il déclare qu’il n’admettra le tamazight comme langue nationale que sur la base d’un référendum, ce qui équivaut à un refus, vu la position majoritaire des arabophones en Algérie.
En février 2000 est installée à Alger une Commission Nationale de Réforme du Système Educatif (CNRSE), composée d'une centaine de membres, qui poursuivra ses travaux durant une année. Ses débats, parfois houleux, opposent deux tendances pouvant être dénommées "traditionaliste" et "moderniste". Les points de discorde concernent la place de la langue française dans l'enseignement, et celle de l'islam dans la formation religieuse ou morale. Le rapport remis le 15 mars 2001 au président Bouteflika a été tenu secret par celui-ci, mais la tendance majoritaire a été celle des modernistes : ceux-ci préconisent la réintroduction du bilinguisme dans l'enseignement à tous ses niveaux, une modernisation de la pédagogie et la substitution d'une formation civique à un endoctrinement islamiste. Les conclusions de ce rapport n'ont pas fait l'objet d'une proclamation officielle, du fait de l'opposition d'associations des partisans de la langue arabe, mais ils sont appliqués dans la réforme de l'enseignement actuellement en cours. Autre signe de l'évolution : le 3 octobre 2001, un décret a reconnu le tamazight (berbère) comme langue nationale. Enfin, bien que l'Algérie ne fasse pas partie de la francophonie, le président Bouteflika s'est rendu à Beyrouth, le 18 octobre 2002, au somment de cette organisation, à titre d'invité du président libanais : geste qui peut faire présager d'une évolution de la position de l'Algérie en ce domaine.

3. Perspectives des langues au Maghreb
3.1 Quels enjeux?
La qualité de l’enseignement et son adaptation
Dans les trois pays, deux problèmes apparaissent : d’une part, l’importance de l’analphabétisme (entre 50 et 75 %), en dépit des parts importantes du budget national (entre 20 et 25 %) qui sont consacrées à l’Éducation, et, d’autre part, le chômage des jeunes, et notamment des diplômés. La question se pose de savoir quel rôle la langue d’enseignement a joué dans cet échec massif. Les points de vue sont partagés; pour certains, c’est l’utilisation du français qui en est responsable ; en lui conférant un caractère élitiste, elle exclut les masses qui n’ont pas de contact social avec cette langue en dehors du maigre apport de l’école. Pour d’autres, l’échec est lié à l’arabisation : non seulement en raison de la langue, puisque l’arabe classique n’est pas la langue des élèves, mais aussi en raison de la structure pédagogique répétitive, non ouverte. Les réflexions commencent depuis quelques années à aborder l’apport positif que pourrait représenter l’utilisation des langues maternelles dans le cursus scolaire, ne serait-ce que dans une phase transitoire.
La langue de la religion et la langue du pain
Dans les trois pays, la langue de la réussite économique et sociale est le français. Une évolution, partiellement en cours, lui substituerait l’anglais, mais certainement pas l’arabe. C’est dans ces langues que fonctionne le secteur économique. L’adhésion à l’Union européenne et l’ouverture économique ne feront qu’accentuer cette tendance. Aucune réforme de l’enseignement crédible ne peut se permettre d’ignorer cet aspect. Ceci ne signifie pas que la langue arabe, sous ses formes populaires ou dans sa forme classique, n’ait pas sa place. Les politiques d’arabisation se sont peut-être égarées en voulant mettre la langue arabe à la place du français, dans les mêmes fonctions, alors qu’une fonction d’ancrage identitaire, de revalorisation du passé, d’adaptation culturelle ne pouvait être bien assurée qu’en arabe; or, ce dernier aspect a été généralement ignoré, et s’est vu substituer des langages idéologiques autoritaires qui n’en sauraient tenir lieu.
Sous ce double point de vue, économique et culturel, l’opposition entre les deux langues nourrie par les politiques n’a abouti qu’a créer une fracture sociale entre deux couches de populations définies par des niveaux de vie et des références culturelles de plus en plus éloignées. La question des langues est profondément impliquée dans ce fossé qui tend à se créer au sein des sociétés maghrébines. La prise en compte quasi exclusive des langues écrites a fait perdre de vue la réalité de la société qui s’exprime dans ses langues maternelles, et négliger l’intérêt que peut présenter la reconnaissance de parlers nationaux par rapport à la conscience d’intégration dans la nation.
3.2 Quelles orientations?
Dans les trois pays, se pose la question décisive du passage des populations à l’ère moderne. En chacun d’eux, ce passage n’est acquis que pour une minorité privilégiée, qui ne peut y vivre qu’en se coupant de plus en plus de la masse. Les politiques suivies par les pouvoirs ont envisagé l’aspect matériel, économique de cette modernisation, en considérant que la culture et l’idéologie pourraient se maintenir à un niveau traditionnel dans le cadre de l’islam, un lieu qu’on voyait volontiers comme le repère d’une identité propre, distincte de l’acculturation occidentale. Cela a conduit à oublier que les deux aspects ne sont pas séparables, et que la culture enracinée dans la tradition maghrébine doit aussi passer à l’ère moderne, c’est-à-dire qu’elle a besoin d’être repensée dans le cadre réel où elle s’exerce. Ceci conduit à envisager l’importance de la formation comme conception globale, allant de la formation professionnelle à l’éducation de la personnalité en ses divers aspects.
Cet épanouissement des individus et des sociétés doit, pour se réaliser, trouver un terrain où les êtres humains sont reconnus comme tels, dans leurs droits, où ils ont le droit de s’exprimer, de vivre en conformité avec leurs propres spécificités ethniques, linguistiques, culturelles. Ceci décrit un milieu où les droits humains sont affirmés et reconnus, dans le cadre d’une démocratie au sens large, quelle que soit la forme constitutionnelle du régime où elle s’exerce. Or, cette situation n’est pour le moment réalisée dans aucun des trois pays du Maghreb. Certes leur situation est inégale de ce point de vue, mais la démocratie comme telle n’est réalisée en aucun de ces régimes.
Cette situation empêche ces sociétés de s’exprimer dans leurs forces vives, de participer activement à leur développement, d’accéder à une vraie maturité. Il est significatif que, dans les trois pays, les pouvoirs politiques tiennent à l’écart les deux éléments les plus dynamiques : les femmes et les langues parlées. Les femmes, dont les codes tendent à faire des mineures, sont des agents actifs de la société, comme en témoigne la place prise par les étudiantes dans les universités. Les langues maternelles, par rapport aux langues figées, témoignent d’une capacité étonnante d’adaptation à la vie moderne, tant dans le langage courant que dans les expressions culturelles (chants, théâtre); elles savent intégrer la modernité sans coupure avec le passé. Une observation attentive de ce qui se passe dans ces lieux de foisonnement vital serait à même de suggérer les solutions à apporter aux nombreux autres problèmes qui se posent à des sociétés jeunes, mais trop souvent victimes de structures sclérosées.

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* Gilbert Grandguillaume est anthropologue et arabisant et jusqu’en 1997, il a été professeur à l’École des hautes études en sciences sociales.
1 Cette étude a pu être menée à bien grâce au soutien de la Fondation européenne de la culture à Amsterdam : qu’elle en soit ici remerciée.
Les données relatives à la proportion de berbérophones au Maghreb sont approximatives du fait que, pour des raisons politiques, elles sont exclues des recensements démographiques, spécialement en Algérie et au Maroc. Les chiffres indiqués sont ceux qui sont généralement admis : voir C. Lacoste-Dujardin et Y. Lacoste (dirs), L’état du Maghreb, La Découverte, 1991, p. 276.
En ce qui concerne la politique d’arabisation, sa problématique et son histoire, voir G. Grandguillaume,1983, ainsi que la bibliographie à la fin de ce texte.
Voir la remarquable étude de Vincent Monteil, L’arabe moderne, Paris, Klincksieck, 1960.
Voir A. Attia, « Différents registres de l’emploi de l’arabe en Tunisie », Revue tunisienne des sciences sociales (RTSS), no 8, 1966, p. 115-149.
H. Bourguiba s’est souvent exprimé sur la question des langues en Tunisie : discours du 19 janvier 1964 (L’Action, 21 janvier 1964), du 2 octobre 1965 (cité par Attia), entrevue à l’ORTF (Revue de presse d’Alger, no 167, juillet-août 1972) entre autres.
Voir M.Chenoufi, « Note sur le collège Sadiki(1875-1975) », Les Cahiers de Tunisie, no 91-92, 1975, p. 371-394, et Noureddine Sraieb, « Enseignement, élites et systèmes de valeurs : le collège Sadiki de Tunis », Annuaire de l’Afrique du Nord, 1971, p. 103-135.
Point de vue exprimé dans l’interview à l’hebdomadaire tunisien Faïza, janvier-février 1967.
A.Chouikha, « Conception et résultats de la réforme tunisienne de l’enseignement de 1958 », Revue tunisienne des sciences sociales (RTSS), N°19, 1969, 39-66. Voir aussi Younès Zoughlami et Hichem Skik, « L’enseignement en Tunisie vingt ans après la réforme de 1958 », Maghreb Machrek, no 78, octobre-décembre 1977, p. 43 70.
Le discours de Jéricho de mars 1965 préconisait des négociations entre les pays arabes et Israël.
Rupture des relations diplomatiques entre la Tunisie et l’Égypte le 3 octobre 1966.
Pour la position de Ben Salah favorable au bilinguisme, voir Libre Coopération, mai 1969, p. 107-110, et l’Action du 19 décembre 1968, ainsi que sa thèse de doctorat Hommes, structures et développement, soutenue à Paris en 1976.
M. Mzali, « Fî at-tawnasati w-at-ta’rîb », Al-Fikr, no 7, avril 1971, p. 697-708.
Voir ses déclarations à L’Action (21 décembre 1971) et au Congrès du Bureau national des étudiants destouriens, 29 au 31 octobre 1976.
L’Action, 25 septembre 1971.
Voir la suspension pour trois mois de la revue intégriste Al-Moujtamaa (Le Monde, 8 octobre 1979 et L’Action, 6 décembre 1979) et la mise en garde du premier ministre Hedi Nouira à l’adresse des intégristes musulmans (Le Monde, 1er janvier 1980).
« Les islamistes demandent le départ du ministre de l’Éducation », Le Monde, 5 octobre 1989.
Exposés par Aziz Krichen, « Pour une stratégie alternative », Réalités, no 188, 23-30 mars 1989, 23-sq.
« Le système éducatif. La loi du 29 juillet 1991 », Journal officiel de la République tunisienne
(JORT), 6 août 1991, et textes d’application, JORT, 26 juin 1992.
« Éducation. Révolution culturelle », article de Jeune Afrique, signé B.S., 17 mars 1994.
Le Monde, 16 mai 1991.
John Waterbury, The Commander of the Faithful. The Moroccan Elite. A Study of Segmented Politics”, Londres, Weidenfeld & Nicholson, 1970.
Dans son ouvrage, Les origines sociales et culturelles du nationalisme marocain 1830-1912, Paris, Maspero, 1977, Abdallah Laroui souligne le rôle des éléments religieux dans le nationalisme.
Pour un exposé de la politique d’enseignement à cette période, voir Ahmed Moatassime, « La politique de l’enseignement au Maroc de 1957 à 1977 », Maghreb Machrek, no 79, janvier-mars 1978, p. 29-46.
Le journal An-Nasr du 24 janvier 1958 annonce l’arrivée de 34 professeurs égyptiens et de 34 maîtres syriens, accompagnés de leurs familles, recrutés pour enseigner l’arabe dans les instituts et les écoles.
Congrès de l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF), tenu à Liège en avril 1966 : Mohamed El-Fassi est alors recteur de l’Université Mohamed V et membre du bureau exécutif de l’Istiqlal. Voir Annuaire de l’Afrique du Nord, 1966, p. 123 et suivantes.
Pour les problèmes liés à l’arabisation à cette époque, voir D.Thebault, « Langues et dialectes d’Afrique du Nord », Cahiers Nord-Africains, ESNA, no 74, août-septembre 1959, p. 29-34.
Directeur de l’Institut d’études et de recherches sur l’arabisation (IERA), il est l’auteur d’une Méthodologie générale de l’arabisation de niveau, Rabat, IERA, 1976.
Une déclaration du roi Hassan II favorable à l’arabisation est rapportée dans Maroc-Informations, no 630, 10 janvier 1963.
Maroc-Informations, no 1008, 15 avril 1964.
Le Monde du 26 mars 1965 (Jean Lacouture), et Le Monde diplomatique, avril 1965.
Sur ces réactions : Le Monde, 8, 12, 13 et 14 avril 1966; Annuaire de l’Afrique du Nord, Aix-en-Provence, 1966, p. 123 et suiv.; Revue de Presse d’Alger, no 104, avril 1966.
Le quotidien de langue arabe de l’Istiqlal Al-Alam (20 avril 1967) proteste contre « le grave revirement dans la politique de l’arabisation ».
Le communiqué du parti de l’Istiqlal est publié en arabe dans Al-Alam (3 janvier 1973) et en français dans L’Opinion (5 janvier 1973).
Entrevue accordée à Jeune-Afrique, no 994, 23 janvier 1980, publiée sous le titre « Condamnés à arabiser ».
Pour un bilan de cette réforme, voir Abdellatif Felk, « Enseignement : quel projet? », Maghreb-Machrek, no 164, avril-juin 1999, p.53-66.
Un bilan de l’action entreprise en matière d’arabisation est établi par Mustafa Benyaklef, professeur et directeur de l’INSEA, sous le titre « Arabisation et enseignement supérieur », revue Al-Asas, no 92, août 1989, p. 35-43. Voir aussi Mustapha Sehimi, « Maroc : SOS Université », Arabies, décembre 1989.
Elisabeth Lévy, « Maroc : les islamistes à l’assaut de l’Université », Jeune Afrique, 21 mai 1991. Sur la même question : « L’Université aux mains des islamistes », Maroc-Hebdo, 21-27 janvier 1994, et Le Courrier international, 27 janvier 1994 : « Au Maroc, les islamistes contrôlent l’Université. »
M’hamed Alaoui, « L’Université “des deux frères” : authenticité et ouverture », Arabies, no 71, novembre 1992.
Pour une réflexion plus approfondie sur les données sociolinguistiques, voir Abderrahim Youssi, « Arabisation et environnement sociolinguistique au Maghreb », Al-Bayane, 13 septembre 1994, et Ahmed Boukous, « L’enjeu linguistique au Maghreb », Prologues, no 5, hiver 1996, p. 7-13.
Voir à ce sujet le dossier établi sous le titre « Arabisation : le bond en arrière! », La Nouvelle Tribune, no 59, 20 mars 1997, et celui de La Vie économique, no 3913, 11-17 avril 1997, sous le titre « L’arabisation déchaîne les passions ».
Allocution radiotélévisée de Ben Bella, le 5 octobre 1962 (Revue de Presse d’Alger, no 68, octobre 1962).
Selon le témoignage de Mostefa Lacheraf, l’envoyé de Ben Bella auprès de Nasser aurait demandé à celui-ci d’envoyer à tout prix des Égyptiens en Algérie pour enseigner, fussent-ils « marchands de légumes », le conseiller de Nasser Haykal ayant assisté à l’entretien. El-Watan, 11 juin 1998.
Journal officiel, 21 et 24 janvier 1964. Des critiques sont émises sur l’enseignement de l’arabe, Al Chaab, 12 décembre 1963.
Appel des oulémas de l’Islam et de la langue arabe au peuple algérien, Dépêche d’Algérie, 22 août 1962.
El-Moudjahid, 27 octobre 1962.
En juin 1964, parution du premier numéro du Journal officiel en langue arabe.
Au Ve Congrès des étudiants algériens du 10 au 21 août 1963, Alger Républicain, 20 août 1963.
Une dissidence kabyle, conduite par Aït Ahmed, se déclenche en septembre 1963, jusqu’en octobre 1964.
Le 28 octobre 1963, constitution de l’Union des écrivains algériens : aucune mention n’est faite de l’arabisation.
Cheikh El Bachir El Ibrahimi (1876-1965), successeur de Cheikh Ben Badis, fondateur du mouvement réformiste en Algérie en 1931.
Grâce au recrutement de mille coopérants syriens
El-Moudjahid, 2 juin 1967 et 9-10 février 1968.
Journal officiel, 3 mai 1968.
El-Moudjahid arabe, no 387 du 1er octobre 1967.
Mise en garde du président de la Haute Cour en présence du président Boumediene, à la rentrée judiciaire de 1967, Annuaire de l’Afrique du Nord, 1967, p. 154.
Al-Chaab , 11 janvier 1967 et El-Moudjahid arabe, no 352, 29 janvier 1967.
Annuaire de l’Afrique du Nord, 1969, p. 460.
Jeune Afrique, no 418, 5-13 janvier 1969.
Révolution Africaine, no 316, 14-20 mars 1970.
Notamment en interrompant la formation de professeurs de français et en doublant l’École normale supérieure (rattachée à l’Université) par une ENS formant des professeurs arabisés : voir G. Grandguillaume, 1983, p. 99-102.
El-Moudjahid, 8 janvier 1971, et Ordonnance 75-2 du 20 janvier 1971, portant extension de l’Ordonnance du 25 avril 1968 relative à l’arabisation de l’Administration.
El-Moudjahid, 3-4 janvier 1971.
« Nationalisation des pétroles : les décisions historiques du 24 février 1971 », Révolution Africaine, no 366, 26 février au 4 mars 1971.
La mobilisation des étudiants progressistes se fera dans le cadre du volontariat des étudiants pour la révolution agraire, à partir de juillet 1972.
Journal officiel , no 28, 6 avril 1973.
Compte rendu de cette conférence dans Révolution Africaine, no 586 (16-22 mai) et 588 (30 mai-5 juin). Voir aussi Christiane Souriau, « La politique algérienne de l’arabisation », Annuaire de l’Afrique du Nord, 1975, p. 363-401.
Publié par Révolution Africaine, no 588 pour le texte français, et par El-Moudjahid arabe, 18 mai 1975, pour le texte arabe.
Journal officiel, 12 mai 1976, et Le Monde, 24 juin 1976.
Le projet publié le 27 avril est soumis à discussions publiques et est l’objet d’un référendum le 27 juin 1976, où la Charte est approuvée par 98,50 % des citoyens.
Al-Chaab, 23 octobre 1976.
Journal officiel, 17 août 1976 : le jour de repos hebdomadaire est fixé au vendredi à compter du 27 août 1976 (1er Ramadhan).
El-Moudjahid, 12 décembre 1976.
Il s’agirait notamment d’un rapport de l’UNESCO sur la situation et le niveau de l’éducation en Algérie, auquel l’accès semble difficile : voir K.Taleb-Ibrahimi, 1995, p. 270.
« Les problèmes de l’enseignement et de l’éducation » : série d’articles de Mostefa Lacheraf, dans El-Moudjahid, 9, 10 et 11 août 1977, et réponse de Abdallah Cheriet, « Est-ce un problème d’enseignement ou de formation humaine? », Al-Chaab, 5 septembre 1977.
Pour les rapports des membres de cette Commission, voir El-Moudjahid, 26 février 1980.
Le 19 janvier, le président Chadli Bendjedid leur adresse un sévère avertissement : Le Monde, 18 janvier 1980.
Voir G. Grandguillaume, « Relance de l’arabisation en Algérie? », Maghreb-Machrek, no 88, 1980, p. 51-63.
Le Monde, 19 mars 1980.
Ce Haut conseil de la langue nationale présente des rapports aux séances du Comité central du FLN. L’un de ceux-ci est publié dans El-Moudjahid, 27 décembre 1981. Un autre (El-Moudjahid, 31 juillet 1988), fixe à l’an 2000 l’échéance de l’arabisation totale.
Code de la famille, Alger, OPU, 1984. Voir aussi Noureddine Saadi, La femme et la loi en Algérie, Alger, Bouchene, 1991.
Ancien maquisard, islamiste, fondateur du Mouvement islamique armé (MIA), il tient le maquis en Algérie entre 1982 et 1987, année de sa mort au combat.
Voir Ahmed Rouadjia, Les frères et la mosquée. Enquête sur le mouvement islamiste en Algérie, Karthala, 1990, et Séverine Labat, Les islamistes algériens. Entre les urnes et le maquis, Seuil, 1995.
Des extraits de son discours sont cités dans Maghreb-Machrek, no 122, octobre-décembre 1988, p. 85.
Décision qui prendra effet à la rentrée scolaire de septembre 1993.
Sur cette question, voir G. Grandguillaume, « Arabisation et démagogie en Algérie », Le Monde, diplomatique, février 1997.
L’annonce par le président Zeroual, le 11 septembre 1998 de son retrait anticipé de la présidence de l’État et l’annonce de nouvelles élections présidentielles en 1999 sont interprétées comme des facteurs d’instabilité (Le Monde, 13-14 septembre 1998). Pour le contexte sociopolitique, voir Luis Martinez, La guerre civile en Algérie, Karthala, 1998.
Le Matin, 22 mai 1999.
El Watan, 22 mai 1999.


Gilbert GHrandguillaume

Anthropologue arabisant,
spécialiste du Maghreb et du Monde arabe.

Tel. 33.1.60 23 62 88
Mail : gilbertgrandguillaume@yahoo.fr